Ecrin des cris ... écrits
Je n’ai pas l’outrecuidance de penser que tous ceux qui passent par ici, picorant au hasard un récit sulfureux, savourant une image évocatrice, prennent le temps de parcourir suffisamment d’archives pour comprendre comment et pourquoi ce blog est né.
Pour beaucoup, sans doute, nos pages ne demeurent que quelques récits fantasmatiques, pornographiques, teintés BDSM, vague « littérature » décadente.
Pour nous, ils vont bien au-delà de la simple expression d’une liberté de dire, de penser (pensées obscènes ou non) et d’être.
Ils sont à la source de ce qui nous fait et nous unit.
C’est par l’écrit que nous nous sommes trouvés… avant que les cris ne nous fassent nous reconnaître.
Et par l’écrit poétique qui plus est ! Univers éthéré de l’ordre et de la beauté (ceux des quatrains bien calibrés), du luxe (celui d’une langue rythmée, rimée, choisie), du calme (celui du recueillement de la page blanche) et … de la volupté aussi, tant le mot poétique, mis en bouche, est générateur de sensations et tant ce mot est apte, également, à libérer cet en-soi souvent mutique (Oui, clin d’œil il y a, à un poète aimé !).
C’est par l’écrit que nous sommes, lentement, venus l’un vers l’autre, nous révélant peu à peu, nous dessinant l’un l’autre, l’un pour l’autre, nous offrant nos creux et nos limites.
Sans encore le savoir, nous posions les bases de ce qui est notre relation, nos sublimes liens, en tissant, peu à peu, ce qui permet l’incontournable Safe, Sane and Consensual : La Connaissance et la Confiance.
Nous avons mis en mots beaucoup de nous, nous livrant petits bouts par petits bouts, de la poésie à la prose, d’images en réminiscences. Puis, quand nous avons été face à face, épuisant la nuit au-delà des corps, nous avons poursuivi ce dialogue en miroir, cet échange de nos vérités jusqu’à libérer, par la parole, l’essence de nos êtres.
Aujourd’hui quand je Lui dis « Toi qui me sais », à chaque fois, je mesure à quel point je lui ai confié les clés de mes fonctionnements et combien, un autre que Lui aurait pu m’enfermer avec ces clés quand Lui s’en est servi pour me mener vers la lumière. Sans doute parce qu’il m’a donné tout autant de lui-même. Et surtout parce que, de cet échange intense, sensible et sans masque, est né un amour profond, respectueux, adulte, clair...voyant.
Un amour qui nous a surpris et qui est le ferment de notre relation BDSM.
Pour nous, donc, ces mots que vous lisez sont aussi l’expression de notre liberté de panser… non pas les blessures d’un passé qui nous fait ce que nous sommes l’un pour l’autre sans pour autant nous alourdir, mais les griffures d’un présent qui nous tient, encore bien trop souvent, éloignés géographiquement.
Ecrire ensemble, comme nous le faisons, en direct sur MSN, c’est nous mêler, enlacer nos êtres, nous penser ensemble, unis, un et multiples. C’est penser les possibles, les improbables, tous les « à venir » autres, quand un seul avenir nous préoccupe : celui qui nous réunit!
Et c’est puiser, dans la chatoyance de nos imaginaires, nos similarités et nos accords, vérifier, à l’infini, que nous nous répondons, toucher, de l’esprit, nos correspondances quand nos mains ne peuvent se toucher.
Il y a une phrase de Daniel Pennac qui me revient souvent en mémoire « L’imagination ce n’est pas le mensonge. »
Dans nos fictions, cette chair mise à nue est nôtre : C’est notre sang, notre sueur, nos sécrétions. Et pourtant cette chair est aussi inventée, subjective, symbolique, projetée. Elle est vraie et fausse, tour à tour, transcendée et rituelle… rêves de transgressions débridées… un temps de jouissance sans entraves (ou plutôt avec d’ailleurs, bien qu’elles ne se situent pas au même plan !)
Elle est vie réenchantée. Dans la frustration de la séparation, écrire devient un acte sacré qui sanctifie des retrouvailles intellectuelles, l’union de nos psychés, le hors-temps que nous nous offrons mutuellement… en y sacrifiant quelques heures de sommeil !
"Sans Sacré, l'homme moderne reste à la fois autonome et solitaire, délivré et désenchanté, souverain et impuissant, partagé entre ce qu'il ne peut plus croire et ce qu'il voudrait cependant espérer." Enc. Universalis
S'affronter à la redistribution des rôles que permet l’écrit – déposer l’individu social et se saisir de nos âmes concupiscentes, au sens littéral - nous lie dans un même élan, nous plonge dans les délices d’un enchantement, nous fait tout puissants – oui, moi aussi dans ma peau de s., j’ai cette incomparable liberté d’être - dans le brouillage des frontières entre réalité et fantasmes, dans la précarité symbolique du récit… qui est absence de séparation et jouissance attendue de nos êtres unifiés !
La jouissance est à la mesure de la peine ; il n'y a rien de pire qu'un ennuyeux bien-être dépourvu d'émotions.
Notre jouissance idéalisée est prélevée sur le corps. Considérer la jouissance dans son ambivalence de terreur et d'extases, de sacrifice et de plénitude c’est résoudre une quête d’absolu et l’exprimer dans nos écrits quand cela ne peut s’organiser au quotidien dans nos réalités.
Aussi … nos écrits sont nos frustrations et nos promesses… nos écrits d’âme-ours*, nos cris d’amour !
*L’ours : Les traditions orales chamaniques l’associent au ciel et à la terre, à la sexualité et à la fertilité, aux forces dangereuses et aux forces protectrices.