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Les Ecrits Pourpres
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6 novembre 2005

Le Petit Chaperon Pourpre

solitude_451La forêt, son domaine, entre les grands pins, dans les brumes froides d'automne, lorsque le vent soufflait les frimas d'un hiver naissant. La forêt, son odeur, ses bruissements multiples, sa solitude irréelle. Il avançait, froissant les feuilles mortes en décomposition sous ses chaussures ferrées. Chaque pas produisait sa propre mélodie, un bruissement distinct des autres. Il ne prenait pas garde au bruit que faisait sa marche, autour de lui il percevait le frôlement léger de multiples pattes qui s'enfuyaient à son approche. Levant la tête, il huma un parfum différent, quelque chose de suave, à la fois lourd et léger, des relents de sucres mêlés à une fragrance de corps. Il changea l'orientation de sa marche pour aller à la rencontre de l'odeur. A travers les branchages, un pâle soleil baignait les bois de teintes ouatées et oppressantes. La nuit était loin de tomber, pourtant tout lui semblait crépusculaire, tout semblait tendre à la fin. La fin de quoi il n'aurait su le dire, mais quelque chose se terminait sans qu'il ne puisse le définir. Sa démarche souple s'était faite silencieuse, ses semelles se posaient avec délicatesse sur le tapis de feuilles, sans bruit, comme une caresse. Il arriva au sommet d'une bute qui surplombait une sentier forestier en contrebas, chemin, à peine esquissé entre les arbres, qui se perdait au loin et semblait surgir de nulle part. Avançant doucement il la vit. Ses chaussures de marches tombaient en cadence sur le sol, gauche, droite, gauche, droite. Un pas régulier, qui ménageait sa peine. Les deux jambes de la jeune femme sur le sentier étaient recouvertes d’un jeans usé qui semblait avoir connu des jours meilleurs. Ce qui attirait le plus le regard restait cependant la parka rouge qu'elle portait comme un flambeau à travers les bois. Etrange effusion de couleurs dans la monotonie hivernale. La capuche remontée sur sa tête masquait son visage, seules quelques mèches de cheveux noirs semblaient vouloir s'échapper de cet écrin pourpre. Il entama une descente lente et silencieuse vers le sentier, vers la parka rouge qui s'approchait.

Elle marchait d'un bon pas, poussant la cadence jusqu'à sentir ses muscles la brûler dans l'effort, respirant à pleins poumons les odeurs de saison finissante, parfums de sève et d'humus, odeur d'humidité et de champignon. Elle aimait partir ainsi, choisir un lieu, loin de toute habitation, loin des hommes, un lieu sauvage et désert pour jouer à se perdre, pour apprendre à se trouver. Elle qui aimait la ville par dessus tout, son atmosphère électrique son fourmillement humain, sa vie nocturne, avait pourtant besoin de ses échappées dans des no man's land où se vider la tête, où récupérer dans le contact avec les forces primitives, où oublier les mots, les conventions sociales. Où elle pouvait enfin ne compter que sur elle même et n'avoir de compte à rendre à personne.... pour quelques instants solitaires n'être personne et être au monde comme aux premières heures de l'humanité, éblouie par un paysage, par un rayon de lumière, par le chant d'un oiseau invisible. Il lui était arrivé de craindre de se perdre, à vagabonder ainsi au milieu de nulle part, mais elle avait toujours fini par regagner un lieu habité avant la nuit et elle appréciait ces petites frayeurs qui faisaient parti de l'aventure. Souvent, en marchant ainsi, seule au fond des bois, ou dans des sentiers de montagnes, elle avait perçu des bruits étranges, homme ou animal elle ne savait, qui semblait la suivre. Son coeur s'accélérait et elle se moquait de son imagination maladive qui ne la laissait jamais totalement en paix ! Là, d'ailleurs, en ce moment même, tout en marchant, elle était sûre d'avoir entendu  le frôlement caractéristique des pas sur le feuillage, tout prêt d'elle, et elle ne put s'empêcher de scruter le couvert... certaine de n'y rien trouver, ou, au mieux, un quelconque cervidé en maraude.

Il posa le pied sur le sentier, à quelques mètres devant elle, surgissant du couvert des arbres comme une brumesolitude_36 flottant entre deux eaux. Il n'avança pas vers elle, se tenant là, immobile, la regardant approcher. Elle avait légèrement ralenti le pas lorsqu'il était apparu sur le chemin. Il pouvait à présent distinguer son visage, des yeux noisette brillants, encadrés de mèches noires, une bouche carmin aux lèvres fines. Elle avançait, légèrement essoufflée sur le chemin, se dirigeant vers lui, ralentissant mais ne s'arrêtant pas pour autant. Il avait croisé les bras, remontant la bandoulière de son fusil sur son épaule. Il l'attendait, humant son parfum, tandis qu'elle s'approchait. Il émanait d'elle un mélange de sueur et un parfum suave de femmes dont les multiples variations lui parvenaient emportées par le vent. Ses yeux bleus la détaillaient, essayant de deviner ce qui pouvait ainsi se cacher sous l'armure de sa vêture. Alors qu'elle arrivait à sa hauteur, il fit un pas de côté, pour ne pas se mettre en travers de son chemin. Il la vit lever la tête, elle comptait probablement le saluer au passage, montrant le minimum de civilité qui s'imposait en ces lieux, puis continuer son chemin pour s'éloigner de l'opportun au plus vite. Il lui sourit, révélant une rangée de dents brillantes et parfaitement alignées, des dents de carnassier, de prédateur. Ses yeux bleus, délavés comme un ciel d'automne lorsque le soleil manquait à faire briller l'azur, se posèrent dans les yeux noisette de la jeune femme.

"Vous savez que ce chemin ne mène pas à la demeure de votre mère grand ?"

Quand elle avait aperçu la silhouette, sur l'étroite piste qui serpentait entre les arbres, elle crut un instant qu'elle était sujette à une hallucination, tant elle s'attendait si peu à vraiment croiser une présence humaine. Mais lorsqu’elle avait vu la haute taille de cet homme s'imposer en travers du chemin, elle dut se rendre à l'évidence. Non, la civilisation n'était pas aussi loin qu'elle l'aurait voulu. Et il fallait qu'elle y tombe dessus ! Elle avait poursuivi dans sa direction, furieuse, bien décidée à ne pas laisser le temps à l'inconnu - un chasseur qui plus est ! - le temps d’engager une conversation. Et voilà que sa colère se muait en sourire à cause de cette petite phrase... et de l'intense regard bleu qui la dominait et lui fermait le passage.

"Vous pensez si je le sais ! De toute façon j'ai mangé la galette et fini le petit pot de beurre à l'heure du goûter ! ça me gênait pour marcher ! Bonne journée et bonne chance !"

lui lança-t-elle en désignant le fusil d'un geste du menton et en tentant de le contourner pour poursuivre sa route. Il était hors de question qu'elle perde du temps en vaines discussions de salon... aussi bleu soit le regard. Le ciel lui aussi était bleu et il l'appelait plus loin.

"Ce chemin ne mène nulle part, pas plus chez votre grand mère que vers quoi que ce soit d'autre. A moins que vous n'ayez de quoi tenir quatre jours de marche, ce qui me semblerait étonnant d'après la taille de votre sac à dos."

solitude_23Il la regardait tandis qu'elle s'arrêtait, l’observant interrogative un instant, puis tournant son regard sur le sentier qui se perdait au loin au milieu des arbres. Il s'assit sur une souche, allongeant ses jambes devant lui. Entrouvrant sa veste il glissa une main dans la poche intérieure de son veston et en retira un étui à cigarette. Battant un briquet tempête, il alluma la fine tige de tabac, faisant s’élever des volutes de fumée bleuâtre. Il tira ainsi deux trois bouffées en silence puis reprit.

"Si vous faites demi-tour, vous en aurez à peu près pour cinq heures de marche pour revenir à votre point de départ. D’ici deux heures la nuit sera tombée, je ne vous conseille pas cette option. Par contre en coupant par la butte aux loups vous arriverez dans une heure et demi environ au village le plus proche."

Il fut sur le point de ranger son étui et se ravisa, le lui tendant. 

Elle avait un paquet de cigarette quelque part, perdu, caché plutôt au fond de son sac à dos. Quand elle marchait, elle oubliait le désir de nicotine. Et le paquet ne lui servait que pour fêter son arrivée dans un café de village, où elle buvait un verre et mangeait quelque chose de chaud avant de regagner les trépidations urbaines. Mais là, quand les effluves douceâtres du tabac lui parvinrent, l'envie se réveilla illico. Aussi fit-elle bon accueil à son geste et prenant une cigarette, qu'il s'empressa d'allumer, elle ajouta, consentant à un dialogue que les circonstances rendaient indispensables

"Bon, j'avoue ! Je suis un peu perdue. Je ne pensais pas m'être autant éloignée et l'idée de faire encore des heures de marche et de risquer de me perdre dans la nuit ne m'enchante guère. Et puisque vous connaissez si bien les bois et ses raccourcis… je crois que je vais adopter votre proposition. Je prends par où exactement ?"

Elle s'en remettait aux connaissances de ce coureur des bois. Ce n'était pas la première fois qu'elle était ainsi secourue par un autochtone. Berger de montagne ou garde forestier, ils lui avaient toujours fait gagné un précieux temps et beaucoup d'énergie.

Il sourit doucement la regardant comme on regarde une enfant qui venait de lancer une énorme bêtise.

"Par où ? Vous montez au chêne creux et après, vous prenez nord-ouest sur une dizaine de kilomètres, vous passez par le guet du chevreau et de là vous suivez le sentier des équarisseurs jusqu'à la clairière du vieux. Je crois que la façon la plus simple de procéder est de me suivre. Je vous accompagne à la clairière et de là le chemin est des plus simples."

Disant cela, il avait retiré son fusil de son épaule et vérifiait de façon mécanique l'ensemble des éléments qui le composaient. Il fit jouer le chargeur dans son logement, vérifiant la présence d'une balle dans la chambre. Les cartouches semblaient démesurées, longues pointes brillantes, elles jetaient des éclats mécaniques. Il vérifia encore la fixation de la lunette longue portée aux verres teintés de rouge et s'assura du serrement convenable de l'embout anti-recul sur le canon de l'arme. Puis, négligemment, il le remit sur son épaule et se releva.

"Suivez-moi, c'est par là."

Sans plus l'attendre, il quitta le sentier et s'enfonça dans les bois.

Elle se lança derrière lui, s'efforçant de régler son pas sur le sien. Mais sans marcher vite, il faisait des enjambéesillustr_loup_garou_1_ bien plus grandes qu'elle et avait le pied infiniment plus sûr sur les ronciers et les souches qui leur barraient parfois le passage. Elle se faisait distancer et enrageait, le souffle court, se disant que si elle le perdait maintenant elle allait se retrouver définitivement égarée dans l'épaisseur de la forêt. Et les heures qui avaient passé se teintaient déjà des prémisses de la nuit. Et il ne se retournait pas, ce fichu bonhomme ! Il la laissait peiner derrière lui, à bout de souffle. Elle accrochait son regard à sa silhouette, qui apparaissait et disparaissait entre les arbres, et commençait à désespérer. Elle se résigna à le héler d'une voix essoufflée

"Héééé ! Ho ! .... Vous.... marchez trop... vite ! Hoooo!"

Il s'immobilisa, ne se retournant pas, se contentant de l'attendre. Elle le rejoignit au plus vite, arrivant essoufflée à sa hauteur. Il la regarda un instant, son visage était brillant de sueur.

"Nous allons faire une pause à la clairière du loup."

Il avança vers une petite clairière cernée de grands pins au centre de laquelle trônait un vieux chêne. Il se dirigea vers l'arbre et, retirant le fusil de son épaule, le posant contre le tronc, il fit de même glisser son sac à dos et l'ouvrit en retirant un thermos et une écuelle métallique. Lorsqu'il déboucha le récipient une odeur de café se répandit autour de lui. Il laissa couler le liquide noir dans l'écuelle et la lui tendit.

"Tenez, cela va vous faire du bien."

Au loin, le soleil commençait à disparaître derrière les arbres et l'ombre gagnait les  bois. Sa main se tendit vers le fusil et en décrocha la lunette, activant un petit interrupteur ; celle-ci émit un très léger et court sifflement. Il la porta à son oeil et d'un mouvement circulaire scruta les bois autour de la clairière. Puis raccrochant la lunette à son emplacement. il retira un paquet de gâteaux secs de son sac, le tendant vers s.

"Faim ?"

Elle buvait le café brûlant, en petites lampées réconfortantes, tout en le regardant jouer avec son fusil. C'était obsessionnel chez lui, elle en avait l'impression. Encore un obsédé qui tripotait son arme comme un prolongement de son pénis sans doute. Malgré la fatigue, due au rythme soutenue de la marche derrière lui, ou peut-être par esprit de vengeance, elle ne put réfréner une provocation et ayant remercié d'un sourire et d'un puissant hochement de tête à sa question, elle enchaîna, en mordillant un gâteau

"Vous prenez toujours aussi soin de votre arme ? Elle est si importante pour vous que vous ne puissiez vous empêcher de jouer avec ?"

Le soleil déclinant venait jeter ses rayons sur le métal du fusil comme pour en sublimer l'importance ironiquement ... et les ombres des arbres s'étiraient autour d'eux ... comme le silence.

"Je déteste les armes à feu."

Il tourna son regard vers le ciel dont les teintes s'enfonçaient dans un pourpre parcouru d'or lumineux. Son regard se figea sur le bosquet en contrebas de la clairière, les branches venaient de s'agiter mollement, un cerf apparut, animal majestueux aux bois imposants. Il avança lentement hors de l'abri des branches. Tout en l’observant, il sourit et murmura doucement.

oeilg1"Salut à toi vieux frère, salut à toi roi de la forêt." oeild3

Puis se tournant vers elle.

"Il vient tous les soirs, vers la même heure, je crois qu'il va boire au ruisseau en contrebas, parfois il reste longtemps, alors on se parle en silence et il continue son chemin."

Lentement, le cerf quitta la clairière, disparaissant comme il était apparu dans la pénombre naissante.

Il ne parlait plus, assis contre l'arbre, il se contentait de la fixer. Ses yeux avaient pris une teinte insondable.

"Les loups ont repris leur territoire. Les hommes sont partis pour la ville, ils ont oublié la forêt et les loups sont revenus."

Elle le regarda, surprise. Il ne ressemblait plus du tout à l'image grossière qu'elle s'était faite de lui. Il n'avait plus rien du chasseur bourru qu'elle avait suivi péniblement en ruminant sa rancoeur. Il baignait dans la lumière du soleil couchant, nimbé de lumière pourpre comme un dieu primitif, vêtu des couleurs de la nature, et son regard semblait fermé sur un mystère. Il lui semblait presque émouvant. Elle se dit qu'elle devait vraiment être fatiguée pour se laisser ainsi submerger par des émotions aussi puériles et fantasques. Mais il avait l'air si sérieux, presque grave. Et l'idée des loups l'enchantait. Elle avait toujours rêvé de ses bêtes fabuleuses.

" Vous voulez dire... les loups... vous en avez vu... ici ?"

Soudain, cette fin de journée semblait s'ouvrir sur de fantastiques promesses

Il la regarda, l'expression de son visage était indéfinissable.

"Vu ? Non, je ne l'ai pas encore vu, mais le loup est rusé, il ne vient que lorsque l'on ne l'attend plus et toujours il vient par là où on ne l'attend pas. On ne peut voir le loup que si on ne le cherche pas."

Disant ces mots, il s'était tourné vers elle. Sa main se leva et caressa doucement son visage, un infime effleurement du bout des doigts. Sa bouche s'approcha de la sienne alors que, surprise, elle ne savait pas trop comment réagir au contact de ces lèvres chaudes sur les siennes.

loup2Et, le repoussant, elle se leva brusquement, rassemblant rapidement son sac

"Je crois qu'on devrait reprendre notre route ! La nuit va tomber qu'on ne sera pas encore arrivés et ... et votre... notre ... baiser.... est une très mauvaise idée. Mettons ça sur le compte de la fatigue et oublions-le !"

Elle s'activait pour chasser son trouble et se tenait à distance de lui, perplexe, ne comprenant pas trop comment ils en étaient venus là.

Il se recula. Ses yeux étaient brillants, traversés de multiples éclairs, du désir, oui, mais aussi un nombre d'autres choses, insondables et étranges. Ses pupilles, dans la lumière déclinante, avaient une teinte jaune doré et bestiale. Ses mains s'emparèrent des siennes, sa poigne ferme et dure sur ses poignets.

"Le loup vient à la nuit. Le petit chaperon rouge n'a jamais cherché la maison de sa grand mère, elle a toujours cherché le loup."

Son sourire révélait ses dents blanches et ses canines bien trop longues.

" Si vous écoutez, vous pourrez entendre le chant de sa solitude. Et sa faim."

La forçant à pivoter, il la poussa contre le tronc d'arbre, se collant à elle. Il était vibrant et chacun de ses muscles tressaillait d'une sauvagerie à peine contenue.

"C'est pourquoi vous aussi vous courez les bois, pour fuir les hommes et tenter de rencontrer le loup."

Sa bouche s'appuya sur la sienne et sa langue impérieuse envahit sa bouche.

Elle se débattit, furieuse et impuissante, ne parvenant pas à se dégager, ne le conduisant qu'à resserrer encoresolitude_29 davantage son étreinte sur ses poignets. Elle luttait pour échapper à sa bouche, à sa langue qui s'emparait de la sienne, implacable. Elle sentait le tronc de l'arbre s'enfoncer dans son dos. Elle sentait qu'elle cédait à la panique... qu'elle cédait à la force animale. Elle luttait plus mollement, le souffle court, refusant encore de se livrer au baiser mais ne trouvant plus la force de combattre, plaquée contre l'écorce, maintenue, soumise à la puissance des muscles qui écrasaient sa chair tremblante.

Il se collait contre elle, sa respiration se faisait caverneuse, un grondement sourd montait de sa poitrine tandis qu'une de ses mains tirait un fin lacet de cuir de sa poche et, d'un mouvement rapide, liait ses poignets, les bras levés au dessus de sa tête, accrochée à l'une des branches de l'arbre. Il était d'une force étonnante et avait maintenu ses poignets sans difficulté. A présent, ses mains étaient libres de parcourir le corps de la jeune femme et elles se posaient partout ou elles le pouvaient, palpant les formes par dessus la mince protection des habits. Sa bouche n'avait pas quitté la sienne, étouffant ses protestations. Il tira sur la parka, déchirant la fermeture éclair d'un mouvement vif. Ses mains, se portant sur son pull, saisirent ses seins, les malaxant durement de ses paumes avides, enfonçant ses ongles qui semblaient démesurés dans la laine et agrippant la poitrine qui se tendait malgré elle vers la caresse brutale, bestiale, de l'homme qui se collait à elle. Mais était-ce encore vraiment un homme ?

Elle en doutait. Et ce doute la terrifiait plus encore. La terrifiait et la fascinait. Et chaque fois qu'il relâchait, un peu, oh si peu, son étreinte - comme pour la laisser reprendre sa respiration, elle guettait son regard qui luisait dans la pénombre naissante d'un éclat phosphorescent, un regard qui n'avait plus rien d'humain. Elle parvint à gémir, implorant sa pitié, mais il semblait ne plus l'entendre, ne plus vouloir l'entendre, ne plus pouvoir. Sa bouche reprenait la sienne pour la museler d'un baiser dévorateur et ses ongles lacéraient ses vêtements, griffant sa peau par endroit, la faisant se convulser, frémissante sous la douleur et sous une horrifiante sensation de plaisir incontrôlable. Désespérément, elle lança ses jambes pour tenter de le repousser, le fit reculer quelques secondes, suffisamment pour hurler un "Nooooon" qu'elle voulait salvateur.

wolfCe qui lui répondit n'avait plus rien d'humain. Ce fut le hurlement d'un loup qui s'échappait de la gorge de la chose en face d'elle. Elle pouvait le voir changer. Les traits de son visage étaient mouvants, seule constante restaient ses yeux, qui brillaient dans la nuit d'un éclat où toute trace d'humanité avait disparu. C'était un loup qui se tenait debout devant elle et ses mains semblaient démesurées. Elle se rendit compte que cette impression venait des griffes qui terminaient ses mains. Il recula de quelques pas, secouant sa tête de gauche à droite dans un mouvement furieux. Ses traits parurent redevenir un peu plus humain, se figer doucement. Il haletait, en la fixant droit dans les yeux, la voix qui s'échappait de sa gorge était rauque, caverneuse et semblait venir de très loin.

"Le loup ne viendra pas s'il ne sent pas la présence d'un autre loup, il faut le loup pour chasser le loup."

Il se recolla à elle, ses mains saisissant son pull et le déchirant d'un seul mouvement, révélant sa poitrine qui se soulevait en saccades, au rythme de sa respiration. Ses griffes s'abattirent sur elle, s'enfonçant dans sa peau, traçant les sillons rouges de son désir sur la jeune femme, sa bouche cherchant encore la sienne, tandis que ses doigts tiraient sur la fermeture de son jeans pour la défaire.

Elle ne se débattait plus. Ne se battait plus. Il était trop fort. Elle était trop faible. Trop fragile était en elle son envie d'échapper, malgré la terreur. Elle se laissait faire, à la fois victime et témoin de la réalisation d'un rêve qui bruissait en elle de toute éternité : être proche d'un loup. Elle fut secouée d'un violent frisson quand cette pensée émergea dans sa conscience embrumée par la peur et le désir. Mais elle répondit, pour la première fois, à la bouche qui s'emparait d'elle, elle y répondit avec toute la fougue de l'effroi et du désir mêlés, tandis qu'elle sentait ses derniers vêtements arrachés de son corps et la chaleur animale l'envelopper, faire sauter ses ultimes résistances. Follement, elle bénit les liens qui la maintenait, pensant que sans eux elle aurait mis ses ultimes ressources dans une fuite... pour le fuir, pour se fuir.

Ses doigts tiraient sur le tissu du jeans avec violence, un craquement retentit dans la clairière tandis que les coutures du pantalon cédaient sous la pression. Leurs langues se mêlaient violement tandis que le bout de tissu déchiré tombait au sol. Il se saisit du string, l'arrachant à la peau nue. Elle était à présent dénudée, comme seuls habits lui restait sa parka rouge, qui flottait autour d'elle comme un voile pourpre, tandis que les griffes de la créature prenaient possession de son corps. Ses doigts noueux et durs pénétraient la chair tendre, la malaxaient durement, laissant les empreintes de sa présence. Le loup prenait sa forme finale, grandissant, s'élargissant, les habits cédaient sous la pression révélant son pelage fauve. La langue dans la bouche de s. devenait de plus en plus épaisse, et contre la sienne elle pouvait sentir la présence des canines imposantes qui l'effleuraient, tandis que contre son ventre battait un membre imposant, gonflé de désir.

Elle suffoquait. De peur, de répulsion. D'un attrait inconcevable aussi. L'odeur animale emplissait ses poumons, laloup_garou laissant pantelante. Elle aurait voulu hurler. Pour se libérer de l'étau qui broyait son coeur, cette angoisse oppressante, ce désir innommable, et son corps était secoué de frissons de froid, de frayeurs, de voluptés et de spasmes de douleurs, de rejet. Autant d’émotions contradictoires qui épuisaient ses dernières forces. Elle avait fermé les yeux, pour échapper à la vision de la bête. Mais les yeux clos, elle n'en était que plus perméable aux sensations tactiles, aux odeurs, aux pressions de ce corps qui n'avait plus rien d'humain. Elle avait l'impression d'être happée, dévorée vive par un désir bien trop grand pour elle, par des pulsions qui la dépassaient et lui arrachaient des gémissements discontinus. Son corps se tordait, dans ses attaches, fuyant le contact  animal pour le retrouver, plus puissant encore. Elle perdait pied, se dissolvant sous la morsure des baisers, sous les coups de griffes, le ventre brûlant, le coeur fou.

Soudain l'homme loup se recula, la lâchant, pendante et pantelante. Il tourna la tête vers l'autre bout de la clairière. Il grondait, un son caverneux et menaçant s'échappant de sa gorge, le poil hérissé et les muscles tremblants. Dans la clairière venait de surgir un autre loup. Pouvait-on appeler ces créatures des loups ? La chose, qui s'avançait vers eux, marchait sur ses deux pattes arrière, avançant lentement avec un air menaçant. Il était plus grand et plus large encore que celui qui l'avait liée à ce tronc d'arbre. Les deux créatures se dirigèrent l'une vers l'autre et, soudain, ce fut le choc. Coups de griffes, de crocs échangés, chocs des corps puissants qui se rencontraient, s'éprouvaient. La clairière était remplie de grognements et du bruit des coups échangés. Le nouveau venu avait le dessus, il semblait plus sauvage, plus aguerri que son adversaire. Il avait réussi à jeter son adversaire au sol et, tandis qu'il essayait de se relever, abattit une pierre sur son crâne qui le laissa au sol, inanimé. Le loup tourna un instant autour du corps immobile, le reniflant, puis, semblant se rendre compte de la présence de s. ligotée à l'arbre, il s'avança vers elle.

Elle avait mis un peu de temps à se rendre compte que la bête s'était éloignée d'elle, perdue, engloutie dans un maelström des sens. C'est le froid qui lui fit dessiller les yeux. Le froid et la perception des grognements et des bruits de lutte. Et elle découvrit le combat avec un effarement sans borne. C'était un cauchemar. Ce n'était pas possible ! La scène baignant dans la clarté de la lune, d'une violence inouïe, semblait pourtant presque irréelle. Mais voyant la créature monstrueuse, qui sortait vainqueur de la lutte, s'avancer vers elle, elle se mit à ruer dans ses cordes, tirant sur ses poignets jusqu'à sentir les liens entamer sa chair, sans vouloir céder. Terrifiée, bouche ouverte sur un cri muet, elle se rejeta contre le tronc pour y chercher un refuge dérisoire, secouant la tête comme pour chasser cette apparition menaçante.

loup4La créature était à sa hauteur, la dépassant de deux bonnes têtes. Il se pencha sur le corps pantelant de la jeune femme et renifla l'odeur de sa peau. Il grogna légèrement, un grognement bas et grave, comme un gémissement de satisfaction. Il posa ses griffes puissantes sur la poitrine de s., caressant les seins qui tentaient de se dérober. Elle ruait dans ses liens, mais il la plaquait fermement contre le tronc rugueux. Ses doigts difformes couraient sur la peau, en appréciant la texture et la fermeté. Il pencha sa tête vers la sienne et la langue râpeuse vint lécher les joues, le visage et le cou de sa victime. Il goûtait par avance le festin que la providence lui réservait. Ses doigts fouillaient l'intimité qui tentait de se soustraire à son intrusion, écartant les lèvres sensibles et pénétrant le sexe affolé de la jeune fille.

Elle hurlait maintenant. Elle hurlait son refus à s'en écorcher la voix, luttant avec l'énergie du désespoir pour se soustraire aux appétits de la créature, lançant son corps dans tous les sens, bousculant le pelage de la bête de son corps fou de terreur. Elle se refusait de toutes ses forces... et ses forces lui manquaient ! Sentant les pattes velues envahir son intimité, elle se convulsa de douleur, un frisson glacé lui parcouru le dos et une sensation de nausée lui coupa le souffle. Un voile pourpre dansait devant ses yeux. Elle comprit qu'elle allait perdre connaissance, son esprit, son corps ne voulaient plus, fuyaient à leur façon. Elle lutta contre elle même, s'obligeant, malgré la douleur et la terreur, à calmer sa respiration, refusant de livrer son corps sans conscience.

La créature glissa ses griffes sur les fesses fermes et, la soulevant, la colla contre son pelage. Son membre dur et dressé se frottait à son intimité, cognait contre l'entrée de sa matrice, cherchant son chemin pour s'enfoncer en elle. Les furieux coups de reins qu'elle donnait ne lui facilitaient pas la tache. Il grogna. Ses coups de reins finissaient dans le vide et son membre ne faisait que se frotter contre l'intimité de la femme qu'il écartelait. Ses tentatives, pour se soustraire à lui, frottaient son corps contre le sien et il n'en éprouvait que plus de désir. Il planta ses griffes dans les fesses qu'il maintenait, s'enfonçant dans la chair frémissante jusqu'au sang. Elle hurla, la douleur la faisant se cabrer en avant pour échapper aux mains de son agresseur, ce qui eut pour effet de la mettre en position favorable. Il poussa son membre en avant, écartelant le sexe qui s'offrait involontairement. Il enfonça d'une seule longue poussée son membre dans l'intimité resserrée par l'angoisse. Il en força le passage, s'enfonçant totalement en elle d’une poussée violente, et commença un va et vient brutal dans son corps.

Elle rejeta sa tête en arrière, visage crispé par la douleur qui lui vrillait les entrailles, mordant ses lèvres jusqu'au sang pour étouffer son cri et son sanglot. Mais sous la puissance de l'invasion qui déchirait son intimité, elle ne put retenir plus longtemps un long râle qui consuma ses dernières forces. Feulant de douleurs, son corps s'amollissait, cédait aux coups de reins de la créature, ne tentait plus d'esquiver, pour diminuer la souffrance, Et elle plongea en elle même, abandonnant sa chair à son agresseur, elle se réfugia dans un coin de son cerveau, dans un trou d'ombre. La bête ne tenait plus entre ses griffes qu'une poupée de chiffon qui dansait sous ses coups, un pantin de chair vide. 

La chose, qui la prenait brutalement, sans répit, sentait monter en elle le plaisir.  Il accéléra encore son va et vient,lougaru7 s'enfonçant en elle avec des bruits secs de claquements. Il pencha sa tête vers elle, vers sa gorge offerte, sa gueule s'ouvrit sur ses crocs luisants.

Il était près à jouir, à se répandre en elle, et à se repaître de sa chair.

C'est à ce moment là qu'une détonation remplit la clairière, comme une explosion. La chose se redressa, s'enfonçant encore plus loin en elle, se répandant dans un orgasme effarant et fatal.

Il hurla, tandis que son épaule se déchiquetait alors que la balle la traversait pour aller se ficher dans l'arbre au dessus de la tête de s. Une deuxième détonation déchira la nuit et la deuxième épaule de la créature se disloqua dans un amas de chairs sanguinolentes. La balle termina sa course en arrachant un bout du tronc d'arbre dont les copeaux fouettèrent le visage de s. La voix, à présent humaine de celui dont elle ne savait plus s'il était homme ou bête, résonna dans la nuit.

"Repoussez-le, il faut le repousser ! Je ne peux pas le toucher mortellement sans vous tuer avec lui. Il faut l'éloigner de vous."

Il se tenait à genoux, la crosse de son fusil collée à son épaule. Dans le viseur, sous l'effet de l'amplificateur de luminosité incorporé à la lunette, se dessinait parfaitement le dos de la bête, la croix du viseur fixée sur l'endroit où se trouvait le coeur. De l'autre côté de la créature se trouvait le coeur de la femme attachée à l'arbre, attachée par sa faute à la  bête. S’il tirait à présent, il les emportait tous les deux à la mort. Quel que soit son désir de supprimer cette créature, il ne pouvait s'y résoudre.

Epuisée, le corps secoué de tremblements désordonnés, presque inconsciente, elle finit par comprendre le sens de la voix qui l'exhortait à l'action. Au pris d'un invraisemblable effort, elle rassembla son énergie et, cramponnant ses mains aux cordes au dessus d'elle, elle replia ses jambes vers son ventre et les propulsa brusquement, de toute l'énergie de son horreur, en direction de la bête. Elle avait atteint l'articulation. Elle vit la bête, affaiblie par ses précédentes blessures, chanceler et faire quelques pas en arrière pour se rétablir. Elle frappa une seconde fois. Et s'écroula au bout de ses liens, exsangue.

lg3La détonation claqua, sèche comme un coup de fouet. La poitrine de la bête sembla un instant se creuser et soudain exploser, alors que la balle d'argent la traversait de part en part. La chose fit un demi-tour sur elle même et se trouva face au canon fumant du fusil d'assaut. Les doigts qui tenaient la semeuse de mort, abaissèrent le petit levier qui la mit en mode rafale. Désormais le tronc d'arbre et sa prisonnière étaient hors de l'axe de tir. Il posa son doigt sur la détente alors que le loup faisait encore quelques pas vers lui en grondant, du sang coulant de sa gueule. Il y eut un takatak rapide et rauque, tandis que les cinq projectiles allaient s'abattre dans le corps du monstre qui sembla décoller du sol pour s'effondrer sur le dos, animé de tremblements qui se figèrent dans un dernier râle.

L'homme s'était relevé. Ses habits, déchirés, flottant autour de son corps, du sang coulant de son front. Il avança en titubant vers son sac et en sortit un long poignard, sans se préoccuper de s. qui gisait contre le tronc de l’arbre. Se retournant vers le corps de la créature au sol, il leva la machette et l'abattit sur le cou de la chose immobile, tranchant sa tête qui roula un peu sur le côté.

Il demeura ainsi un temps à genoux, le souffle court et, brusquement, sembla s'aviser de la présence de s., toujours accrochée à la branche de l'arbre. Il se releva et, s'approchant de l'arbre, trancha le lien de cuir. Elle tomba dans ses bras en gémissant.

Il la prit par les épaules et l'assit doucement contre le tronc d'arbre. Il s'assit à ses côtés, sortant sa gourde de son sac qu’il lui tendit sans un mot.

Elle ouvrit la bouche par réflexe, but une petite gorgée, toussa, cracha. Elle lâcha la gourde sans même s'en apercevoir. Sa gorge brûlait, douloureuse d'avoir crié et son corps était toujours secoué de spasmes. Elle était en état de choc, incapable de parler, incapable de bouger ni de rassembler ses pensées éparses. Des flashes backs venaient éclore, comme des bulles d'horreur, derrière ses paupières closes. Elle ne sentait même pas le froid qui mordait sa peau. Elle tremblait de douleur. Elle finit par ouvrir lentement les yeux, regarda fixement le corps de la créature morte, la mare de sang qui luisait sous la lune. Elle fixait le cadavre de son agresseur d'un regard hagard, inexpressif, secouée de tremblements convulsifs, la respiration saccadée. Peu à peu, son corps se recroquevillait tout contre l'arbre et elle se laissa glisser en position foetale sur le sol, sans quitter des yeux la bête morte.

Il la regarda un moment sans rien dire, puis tournant son regard vers la dépouille sanglante, allongée sur le sol, il commença à parler, d’une voix sourde.

"Je suis un amateur de treaking, avec ma femme nous parcourions tous les pays, dans tous les sens dès quetwilightprincess_preview_mars2005 l’occasion s’en présentait. C’est lors d’une de ces sorties que c’est arrivé… alors que je m’étais absenté pour me rendre au village le plus proche pour faire le plein de vivres. C'est à ce moment là qu'il est venu. Il a...."

Il se tut un instant, déglutissant avec peine, et reprit le fil.

"Lorsque je suis arrivé au campement, je l'ai trouvée, allongée au sol, le corps en sang. Elle n'était pas morte, mais c'était tout comme, il l'avait mordue pendant qu'il... "

Il se tut encore, fermant les yeux.

"Je l'ai ramené chez nous et je l'ai soignée. Je me suis renseigné sur les loups garous, sur la manière de les vaincre, de les détruire et de sauver leur victime. Alors j'ai acheté cette arme et je suis parti avec elle dans les bois dés que cela fut possible. Nous ne pouvions suivre ses traces que grâce aux sens de ma femme. Lentement, nous remontions sa piste, le serrant de plus en plus prêt. Il n'y a qu'une façon de sauver celui qui a été mordu par le loup, c'est d'abattre le loup avant que la transformation ne soit complète… Mais le temps a joué contre nous, mon épouse devenait incontrôlable, et j'ai du... Il a fallu… c'était trop tard, vous comprenez ? Trop tard ! Alors j'ai fait ce que j'avais à faire, j'ai fait la seule chose qu'il y avait à faire."

Ses yeux fixaient le fusil posé à ses côtés.

"Mais je n'avais plus la moindre chance de rattraper cette saleté sans elle. Alors j'ai pris le seul échantillon de la chose que nous possédions, un peu de son sang recueilli sous les ongles de ma femme qui l'avait griffé alors qu'il la prenait, et je me le suis injecté. J'ai senti la transformation se faire petit à petit, mais je la maîtrisais, je gérais aussi bien que possible la violence qui s'emparait de moi. Jusqu’à ce soir. Ce soir j'ai perdu le contrôle. Sans doute était-il trop proche… et je vous ai entraîné dans ce cauchemar, je vous ai entraîné dans mon cauchemar."

Elle n'avait même pas pris conscience qu'il parlait au début de son récit, trop enfoncée dans les brumes de la terreur et de la douleur. Mais petit à petit, le son de sa voix, les mots qu'il prononçait la tirèrent de sa léthargie, la ramenant peu à peu au monde des vivants. Elle se mit à l'écouter, oubliant son corps qui criait de douleurs, captivée par sa voix, par l'incroyable récit, captant dans ses silences tout le poids de sa souffrance. Elle l'écoutait, bouleversée, redevenant elle-même au fur et à mesure qu'il lui disait qui il était. Elle comprenait. Sa douleur, la vengeance, les combats en lui, le rôle involontaire qu’elle venait de jouer. "J'ai froid" articula-t-elle d'une voix éteinte et le geste qu'elle fit pour resserrer les lambeaux de sa parka autour d'elle lui arracha un gémissement de douleur. Le cauchemar lui laissait des séquelles bien réelles et elle suspendit son geste, le souffle coupé, n'osant plus esquisser un mouvement.

Il se releva et, tirant une couverture de survie de son sac, il en entoura ses épaules avec délicatesse. L'emmitouflant du mieux qu'il le pouvait, constatant les traces laissées par l'agression sauvage dont elle venait d'être victime, il prit soin de ne pas bousculer son corps.

163_lune_20et_20loup"Je vais vous emmener à mon bivouac, Ce n'est pas très loin et j'ai tout ce qu'il faut pour vous soigner là bas."

Il l'aida, précautionneusement, à se relever, ne ramassant pas son fusil, saisissant juste son sac à dos et, soutenant s. par la taille, il l’aida à avancer.  Il la regarda encore. "C'est étrange, lorsque je vous ai vu sur le sentier, je pensais que vous étiez le chaperon rouge et moi le chasseur, que le loup n'allait pas tarder."

Puis baissant un peu la tête

" Je suis désolé, je ne pensais pas que ce loup ce serait moi en premier lieu."

Elle sentit une telle détresse dans sa voix qu’elle en oublia ses propres tourments. Se tournant vers lui, grimaçant un pauvre sourire, elle chercha son regard. Elle rencontra le bleu paisible de ses yeux qui la fixaient intensément.

« Le petit chaperon rouge n’a pas fini dévoré, vous voyez bien ! »

  Fit-elle très doucement, les yeux brillants d’émotions.

« Et le loup est parti maintenant, n’est ce pas ? » Il y avait de la peur dans sa question. De la peur et une immense espérance. Elle se tenait, blottie contre lui, visage levé, incertaine et pourtant confiante.

Il la regarda avec une expression indéfinissable dans le regard. « Les légendes ne meurent jamais vraiment. Tant qu’il y aura des contes de fée et des petites filles dans les bois, il y aura des loups pour les attendre. » Après un silence, il conclut « Et tant qu’il y aura des loups, il y aura des chasseurs. » Il la serra un peu plus fort contre lui et ils reprirent la route qui les menait vers son campement.

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Commentaires
B
...les yeux de cet homme qu'elle suit comme malgré elle, sans peur.<br /> Etrange résonnance. Ce très beau moment de votre histoire, je l'ai vécu l'été dernier, mais l'homme se transforma en dauphin, pour mon plus grand bonheur.<br /> (...je frémis cependant pour la pauvre s., s. comme sacrifiée, non ?)
E
Chiron, nos émois s'entrecroisent aux vôtres, trame qui s'écrit au plus profond de la chair, d'un cri si désespérant et si merveilleux qui est humanité flamboyante ... sur la toile en volée !<br /> <br /> Vous risquez d'être surpris e. ! enfin, nous l'espérons ...
E
Nous attendons avec impatience vos suites urbaines...<br /> <br /> e.
C
Mes entrailles brûlent d'un plaisir fulminant, inépuisable en lisant vos mots.<br /> Sur l'écran, et où dela de l'écran ce que vous écrivez, et ou dela de cela le monde hystérique de mes envies... je vous lis. <br /> merci.
E
cela semble vous plaire, chers, très chers lecteurs/commentateurs de ces modestes déblogages, il est fort possible que nous poursuivions l'expérience des bois ... à la ville ..<br /> Enfin, vous verrez !<br /> Il y a une petite idée qui trotte dans nos caboches de sales gosses ...
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