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Les Ecrits Pourpres
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8 décembre 2005

Shogun, la voie du sabre.....

samourai

Le soleil déclinait doucement à l’horizon qui se teintait de pourpre comme un incendie semblant se propager au ciel tout entier. Les petites maisons de bois alignaient leurs murets le long de la ruelle qu'elle arpentait. Elle devait être folle, c'est du moins ce que son officier de mari ne cessait de lui répéter jour après jour. Aller ainsi se perdre dans cette ville inconnue, au gré de ses promenades, quitter leur demeure cossue du quartier occidental d'Edo pour s’enfoncer dans les méandres de la cité, sans protection, était parfaitement déraisonnable. Mais tout dans cette ville était fascinant, tellement différent de tout ce qu'elle avait connu à ce jour. Lorsque son mari et elle avaient quitté Paris pour se rendre au Japon, elle ne s'attendait pas à un tel changement, tout y était étrange et imprévu. Maximilien, son mari, avait pris son poste auprès des conseillers militaires du jeune Empereur Meiji. L'arrogance, la morgue hautaine des soldats japonais correspondaient parfaitement au caractère de son époux. Quant à elle, elle s'était sentie tout de suite mal à l'aise dans le quartier réservé aux étrangers, où l’on vivait en s’observant à la dérobée, prisonniers de pesantes conventions. Elle voulait connaître cette ville qui s'étalait sous ses pieds, rencontrer ces gens étranges qu'elle croisait parfois, vêtus de somptueux kimonos ou d'armures rutilantes, leurs sabres glissés sous leurs ceintures de soie, ces femmes mystérieuses qui semblaient flotter plus qu'elles ne marchaient, comprendre ce monde interdit. Seule, elle tentait d’apprendre des bribes de japonais. Seule, elle partait donc tous les jours en promenade, malgré les injonctions de son époux, regardant, écoutant ces mots sans sens autour d'elle, tentant d'en saisir l'essence si exotique. Mais aujourd'hui, il fallait qu'elle se l'avoue, elle aurait mieux fait de rester chez elle, à coudre sagement ou encore à discuter oisivement avec d'autres épouses de militaires. Elle s’était bel et bien perdue, au milieu de la cité inconnue, dont elle ne comprenait ni le langage, ni la culture.

Elle réprima à grand peine la panique qui commençait à la gagner et essaya de trouver un endroit d'où elle pourrait se repérer. Malgré sa frayeur, elle ne cessait d'observer le décor qui s'offrait à elle. Cette ville était un vrai dédale mais chaque passage emprunté s'ouvrait sur un jardin ou sur une petite maison de bois ouvragée ou encore sur l'un de ces petits marchés si parfumé et coloré qui l’enchantait. Alors, à tant marcher les sens aux aguets, elle en avait perdu toute prudence et s'était enfoncée dans les artères tortueuses, bien plus loin qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle finit par se rendre compte que les habitants la dévisageaient avec curiosité, avec une certaine hostilité même. Sans doute était-elle la première européenne à oser s'aventurer dans ce quartier et elle devait avoir un air complètement égaré. Elle avait beau chercher du regard, pas un endroit qui lui rappela son parcours. Et quand elle croyait en trouver un, quand un pignon de maison l'attirait, lui rappelant quelque chose de déjà vu, c'était toujours une fausse piste qui la perdait encore davantage. Il allait falloir qu'elle se résigne à demander de l'aide, tant bien que mal. Elle se dirigea avec appréhension vers ce qui ressemblait à une petite échoppe, pensant qu’un commerçant serait plus amène et plus apte peut-être à la comprendre.

japon_2Un groupe de jeunes gens se tenait devant l'échoppe. Ils la regardaient s'avancer vers eux avec curiosité. C’était bien la première fois qu'une de ces femmes étrangères venait se perdre ainsi au milieu des ruelles de la ville. On pouvait les voir passer dans leurs fiacres, l'air hautain et regardant les insulaires comme s'ils s'agissaient de sauvages. Mais c'était bien la première fois que l'une d'elles s'aventurait, seule et à pied, dans les vieux quartiers de la ville. Elle semblait perdue et avançait avec appréhension, regardant à gauche et à droite, comme pour chercher un point de repère, quelque chose qui lui permette de retrouver son chemin. Elle s'adressa à eux dans un langage étranger qu'ils ne comprirent pas. Tout juste comprirent-ils ses « Watachi wa furansujin desu » piètrement prononcés. Ils se regardèrent en haussant les épaules, ne sachant pas vraiment  comment se comporter en présence de cette étrangère. Officiellement, les étrangers étaient les bienvenus dans l'empire, mais le comportement qu'ils adoptaient face aux Japonais les avaient vite rendus impopulaires. Finalement, ils convinrent, en l’entendant répéter « Doko » à tout bout de champs, qu'elle était perdue et devait demander son chemin. Un des jeunes hommes lui fit signe de le suivre, pointant son doigt vers une ruelle.

s. remercia en souriant doucement, joignant ses mains sur sa poitrine et abaissant la tête, comme elle l'avait vu faire par bon nombre d'autochtones. Elle espérait ne pas être trop ridicule et plus que tout, souhaitait que ces jeunes gens l'aient comprise et lui permettent de sortir promptement du labyrinthe de rues dans lequel elle s’était irrémédiablement égarée ; il se faisait tard et son époux allait rentrer, sans la trouver. Elle aurait droit à une jolie leçon de morale et le verrait se fâcher car rien ne serait prêt à son arrivée, ni elle, ni le dîner. Le dîner ! Mon dieu ! Elle avait complètement oublié qu'ils étaient invités à une réception chez l’Ambassadeur ce soir ! Il fallait qu'elle sorte de là, qu'elle regagne les quartiers occidentaux au plus vite. Elle emboîta le pas à son jeune guide, le suivant dans l'étroite ruelle, dont l'aspect peu engageant lui aurait fait rebrousser chemin si elle avait été seule. Elle se rapprocha de lui et tenta de lui faire comprendre qu'il fallait marcher plus vite, répétant inlassablement pour le presser « Hayaku. Kudasai. Hayaku ! » Elle s'affolait et se rendit compte que ses gesticulations devaient paraître complètement incohérentes. Elle secoua la tête d'un air navré et lui fit des signes désespérés pour qu'ils poursuivent leur route.

Ils continuèrent leur chemin, à travers la vieille ville. La pluie de la veille avait rendu les voies terriblement boueuses et le bas de sa robe ne garda plus que le souvenir de la couleur blanche des dentelles. Les rues devenaient de plus en plus étroites, de plus en plus désertes aussi. Ils tournèrent au coin d'un immeuble pour se retrouver dans un cul de sac. En face d'elle se dressait un grand mur aveugle. Elle se tourna vers son guide qui la regardait en souriant, les yeux brillants. Ce n'est qu'alors qu'elle constata que trois autres jeunes gens les avaient suivis et qu'ils lui barraient le passage. Ils la regardaient, la détaillant fixement, et commencèrent à avancer vers elle.

Elle eut envie de hurler. De rage. Contre elle même et sa stupidité qui l'avait faite se perdre. Et sa naïveté qui l'avait amenée à suivre n'importe qui n'importe où. De terreur aussi. Terreur de se sentir ainsi acculée, au milieu de nulle part, incapable même d'insulter ces jeunes qui resserraient leur cercle autour d'elle. Elle assura sa prise sur les sangles de son petit sac (une bourse rebrodée d’argent et de rocaille) et se mit à le faire tourner devant elle, comme une arme sifflante et dérisoire, en invectivant ses agresseurs d'une voix sourde et affolée.

"Kudasai ; Ne m'approchez pas ! Mon mari est un homme important ! Ne m'approchez pas. Mô ii "

Elle cherchait, dans son esprit terrorisé, les quelques mots de japonais qu'elle connaissait et bafouilla même le nom de l'empereur.

A l'évocation du nom de l'empereur, ils s'immobilisèrent et s’entre-regardèrent un instant. L'empereur, le dieuhorikawa_nakama_20karato_meiji vivant du peuple Japonais ! Mais le dieu était loin, il vivait dans sa cité impériale, éloigné d'eux comme le sont tous les dieux des pauvres mortels. Celui qui semblait être le chef de la bande s'avança et, rapide comme l'éclair, saisit le bras de la jeune femme, l'entraînant dans son mouvement et la faisant chuter dans la boue. Le contenu de son sac se répandit au sol et elle se sentit plaquée par le corps du jeune voyou qui tombait sur le sien. Les mains avides se mirent à palper sa poitrine par dessus le tissu de la robe, tirant sur le décolleté pour essayer de libérer ses seins. D'autres mains la tenaient immobile, tentant de se frayer un chemin sous ses multiples jupons. Elle voulut crier mais une main la bâillonna fermement. Elle était à présent pétrifiée d'horreur ; ces brigands allaient la violer dans cette arrière-cour sans autre forme de procès et elle ne pouvait rien y faire.

彼女を動かしてはいけない、許可してはいけない

Les mots qui résonnèrent dans l'arrière-cour furent prononcés par une voix grave et forte, comme un grondement terrible. Nul besoin de les comprendre pour savoir qu'il s'agissait d'un ordre, un ordre émanant d'une autorité qui ne semblait pas pouvoir être contestée en quoi que ce soit. Les quatre truands la lâchèrent immédiatement et se reculèrent, tombant à genoux, le visage contre le sol boueux. S. se releva, en s’appuyant sur son coude, reprenant son souffle, observant, affolée, ses assaillants qui s’étaient figés ; Dans l'entrée de l'arrière-cour se tenaient trois cavaliers. Ils étaient vêtus de lourdes armures et coiffés d'impressionnants casques. Seul le cavalier qui se tenait au centre avait tiré son sabre, le pointant vers les quatre hommes à genoux dans la boue. Son casque s'ornait de grandes cornes de métal ; son mari lui avait expliqué que c'était là le  signe distinctif des bushis de hauts rangs. Un des quatre hommes tenta de s'expliquer, d'articuler quelques mots, mais le guerrier au sabre le fit taire d'un mot. Un de ses compagnons mit pied à terre et se dirigea vers les quatre hommes. Prenant une corde fine, il la noua autour du cou du premier puis du suivant et ainsi de suite, avant de remonter sur son cheval et de les entraîner à sa suite dans les ruelles. Le guerrier sur son cheval la regardait à présent, la détaillant fixement. Le masque de son armure ne laissait voir que ses yeux noirs, brillants et profonds. Il se tourna vers son compagnon et lui dit quelques mots. Celui-ci fit faire demi tour à son cheval et s'éloigna dans la ruelle. Le dernier cavalier s'approcha alors d'elle et, se penchant sur la selle de son cheval, lui tendit la main.

Encore toute tremblante, des larmes plein les yeux, elle plaça une main hésitante dans celle du cavalier en murmurant un "Arigato" plein d'humilité et de reconnaissance. Elle se sentit immédiatement soulevée comme si elle n'avait été qu'un fétu de paille et se retrouva installée entre l'encolure du cheval et le torse du terrible guerrier, qui la dominait de toute sa hauteur. D'une main, il enserra sa taille, tandis que l'autre transmettait ses ordres au cheval qui partit à belle allure dans les ruelles. Malgré sa position, si peu convenable pour une femme du monde - mais elle n'avait plus rien de guère convenable, le visage et sa robe maculés de boue et les mèches folles de ses cheveux défaits lui barrant les joues - elle le remercia intérieurement de la tenir si bien serrée. Jamais elle n'était montée de la sorte et elle en concevait un délicieux vertige, mélange d'effroi et de ravissement. De sentir ainsi les mouvements du cheval, de voir les rues de cette position élevée était autrement plus excitant que les lentes promenades en calèche. Son coeur battait très fort et le bras qui enserrait si fermement sa taille n'était pas pour rien dans son émoi. Elle se prit à espérer qu'il savait où la conduire. Elle se prit à espérer que le trajet durerait.

pavillon_japonaisIls chevauchèrent une dizaine de minutes à travers les rues vides à présent. Petit à petit, les demeures devenaient plus cossues et espacées. Elles ne donnaient plus sur la rue mais étaient en retrait, enfoncées dans de petits parcs, sous le couvert des cerisiers. Ils s'immobilisèrent devant une entrée surmontée d'un arc de bois finement ouvragé et pénétrèrent dans les jardins d’une maison. C'était une vaste demeure de bois et de papiers de riz, des lampions suspendus à intervalles réguliers en éclairaient doucement la façade. Ils mirent pied à terre devant ce qui semblait être l'entrée principale de la demeure. Immédiatement, plusieurs femmes, vêtues de kimonos, se portèrent à leur rencontre, et, prenant s. par la main, l’invitant à se déchausser, plaçant sur ses pieds couverts de boue de fins chaussons de soie, la conduisirent vers l'intérieur, l’entraînant à leur suite sur le parquet de bois qu'elle macula de boue, s'en sentant étrangement honteuse. C'était la première fois qu'elle pénétrait dans une maison japonaise ; elle fut frappée par le dénuement de la décoration et la simplicité des meubles qui la composaient. Elle eut le temps d'apercevoir son sauveur qui se tenait dans une pièce. Deux servantes s'affairaient  à lui retirer son armure. Il était nue tête et elle pouvait enfin apercevoir son visage ; il devait avoir la quarantaine, plutôt grand pour un asiatique, son menton carré avait une expression ferme et volontaire. Leurs regards se croisèrent encore et elle se sentit étrangement troublée, sous le feu sombre de ses yeux. Mais déjà, les trois femmes la tiraient plus loin. Ecartant deux panneaux coulissants, elles la firent entrer dans une pièce où trônait un immense baquet de bois rempli d'eau fumante. Les trois femmes le lui désignèrent, lui faisant signe de retirer ses vêtements et de prendre place dans l'eau chaude.

Malgré l'étrangeté de son arrivée et de sa situation, elle ne se fit pas prier. Elle était impatiente d'effacer les souillures de son horrible mésaventure et de retrouver un aspect plus présentable. Rougissante bien malgré elle, elle retira ses vêtements chiffonnés, déchirés et salis et se tourna vers les femmes pour quémander de l'aide afin de défaire son corset. Elle vit leurs regards écarquillés par la surprise, en découvrant l'étrange harnachement qui comprimait sa taille, mais elles comprirent rapidement comment venir à bout du laçage et les mains fines s'activèrent pour la libérer, non sans laisser échapper quelques éclats de rire et des phrases incompréhensibles. Enfin, nue, elle se dirigea vers le baquet fumant dans lequel elle s'installa doucement, en soupirant d'aise, se détendant réellement au contact de l'eau bienfaisante dont le parfum suave envahissait ses narines. Elle ferma les yeux de bien être. Sa frayeur passée s'estompait. Le temps se dissolvait lentement dans la chaleur de l’eau. Contrecoup de l'intense émotion qu'elle avait connue, une douce torpeur l'envahissait qu'elle ne souhaitait combattre.

Ella allait s'assoupir lorsqu'elle sentit un contact contre elle ; une des femmes venait de se dévêtir et se glissait dans l'eau du bain, tenant à la main une éponge. D'autorité, elle entreprit de glisser l'éponge douce sur le corps tendu de s., massant d'abord ses épaules pour descendre, doucement, le long de son bras et atteindre ses mains, avant de remonter pour passer au bras suivant ; puis elle lui fit signe de se tourner et de lui présenter son dos qu'elle commença à masser doucement, faisant glisser l'éponge du haut de ses épaules au bas de son dos. Elle prit grand soin de la laver consciencieusement, caressant ses fesses avec une attention qui semblait à s. un peu trop attentive pour être définitivement honnête. En ayant terminé avec son dos, elle la fit encore une fois se tourner et commença à laver sa poitrine avec la même attention. S. eut le temps, enfin, de la détailler. La jeune femme devait avoir une vingtaine d'année, des yeux en amandes brillants et une bouche rouge carmin finement dessinée, son corps gracile semblait recouvert de satin précieux tant sa peau semblait douce.

C'était la première fois, depuis qu'elle n'était plus un tout petit enfant, qu'une personne s'occupait de sa toilette. Et cette nouveauté, si surprenante, était délicieuse, délicieuse et troublante, tant par la douceur des gestes, leurs lenteurs étudiés, qu'à cause de la beauté de celle qui les exécutait. s. n'osait trop relever les yeux et se laissait faire, les paupières mi-closes, se livrant au savoir faire de la jeune femme, consciente d'avoir une chance inouïe, dans son malheur, de pouvoir être ainsi accueillie et entourée de soins alors qu'elle n'était qu'une étrangère qui connaissait si peu de choses à la culture du pays où elle vivait presque en prisonnière - de luxe certes, mais elle y étouffait pourtant !- et si peu de mots qu'elle ne savait que murmurer de timides "Arigato" pour exprimer sa reconnaissance. De penser à sa prison dorée l'inquiéta à nouveau. Quelle heure pouvait-il bien être ? Et en elle une petite voix souffla "Quelle importance ?" Elle était bien, là, pour la première fois depuis qu'elle était dans ce curieux pays, elle se sentait vraiment bien, elle avait l'impression d'exister vraiment.

Les mains de la jeune fille glissaient sur son corps, n'omettant aucune partie, prenant le plus grand soin de la toilette qu'elle prodiguait à la jeune femme. Ses deux compagnes, pendant ce temps, étudiaient le corset en riant. Elles auraient aimé pouvoir parler la langue de l'étrangère afin de lui demander pourquoi son époux la punissait ainsi, l'obligeant à porter pareille prison autour de son corps. La main de la jeune fille remontait le long de sa cuisse à présent, appliquant l’éponge contre la peau tendre. Elle s'attarda sur le pli de l'aine et glissa sur son intimité, caressant doucement le sexe de s. Elle sourit à s., révélant, entre ses lèvres incarnat, une série de dents nacrées et brillantes. Mais elle s’interrompit brusquement. Les panneaux de bois s'écartaient, laissant le passage à une femme revêtue d'un luxueux kimono blanc. Si la jeune fille dans le bain était charmante la femme qui venait de pénétrer dans la pièce était d'une beauté éblouissante. La trentaine, son visage exprimait une immense douceur, la pâleur de sa peau était encore mise en valeur par les longs cheveux noirs qui tombaient sur ses épaules, descendant jusqu'à ses reins. Le kimono dessinait la forme d'un corps parfait dont on pouvait deviner les courbes somptueuses. Les deux femmes se jetèrent à genoux et saluèrent l'arrivante. La jeune fille dans le bain cessa sa caresse avec regret et inclina la tête, avec un infini respect, pour saluer. Flottant sur le parquet de bois, la jeune femme s'avança vers s. et la salua d'une petite inclinaison de tête.

" Konnichiwa. Je suis dame Yushi, la compagne de Masami Yoshida, le seigneur qui vous a sauvée. Je vous souhaite la bienvenue dans notre demeure, et j'espère que nous pourrons obtenir le pardon pour la conduite de ces voyous  à votre égard."

S. qui lui avait rendu son salut, relava vers elle des yeux éberlués. Elle était subjuguée tant par la beauté de son hôtesse que par sa parfaite maîtrise du français et elle la regardait, bouche bée, ne trouvant plus ses mots. Elle lutta contre sa confusion, secoua la tête et osa

" Hajimemashite. Je vous remercie de votre accueil noble Dame et vous prie de m'excuser. Je dois vous paraîtrememorias_20de_20una_20geisha bien stupide et bien inconvenante à vous dévisager de la sorte. Mais je m'attendais si peu à entendre ma langue. Je suis votre obligée Madame. Votre époux m'a sauvée et vous me faites les honneurs de votre demeure. Je ne sais comment vous exprimer ma gratitude..."

Dame Yushi lui sourit doucement.

"Ne vous étonnez pas. J'ai appris votre langue au contact des missionnaires français, durant mon enfance. Nous sommes vos obligés ; la conduite honteuse de ces voyous fait retomber toute la honte sur l'ensemble du peuple de mon pays. Terminez votre bain, vous serez ensuite l'invitée de notre maison pour le repas du soir." Se tournant vers les deux servantes, elle leur fit signe d'emporter les habits souillés. "Mes dames de compagnie vont prendre soin de laver et recoudre vos habits. Nous ne pouvons vous laisser repartir ainsi dans des haillons, ce serait une grave insulte faite à votre peuple, et  à votre époux. Mon mari a dépêché un messager auprès de l’Ambassadeur pour l'aviser de votre présence ici et lui signifier que vous êtes saine et sauve. Votre époux ne saurait tarder pour vous ramener en votre logis."

Masquant la nudité de son corps dans l’eau du bain, un peu décontenancée par cette conversation si conventionnelle dans ce lieu qui l’était si peu, s. s’empressa d’ajouter, en masquant sa déception :

"Oh je vous remercie Yushi-sama, pour toute la peine que vous vous donnez pour moi et j'aimerais pouvoir parler votre langue aussi bien que vous parlez la mienne pour vous rendre les honneurs que vous me faites. Croyez-moi, j'ai oublié l'outrage puisque, grâce à lui, il m'est donné de vous rencontrer !" …et d'échapper à ma prison ! pensa s. sans le dire. Et ce soir, elle n'était guère pressée de retrouver son triste statut d'épouse de diplomate tant elle prenait plaisir à la découverte des merveilles de la demeure du seigneur Yoshida.

Dame Yushi frappa dans ces mains et la jeune fille qui massait s. sortit du bain, entourant son corps d'un grand drap blanc. Puis, tendant la main vers s., elle lui dit

"Dasu bâsan"

Elle ne comprit pas le sens des mots mais saisit bien qu'on l'invitait à quitter la douceur chaude du bain. Sous le regard de Yushi-sama, elle abandonna presque à regret le baquet et frissonna tout de suite tant la différence de température la saisissait. La jeune fille l'entoura immédiatement d'une grande pièce de tissu et entreprit de lui frictionner vivement le corps pour la réchauffer. Ses mains n'étaient décidemment pas innocentes, le séchage, qui avait dans un premier lieu été fort énergique, se transformait petit à petit en caresses lascives par dessus le linge humide. La jeune fille tourna la tête vers sa maîtresse et souffla doucement vers elle.

"Hoshii ?"

Dame Yushi leva les yeux au ciel et secoua la tête et lui fit signe de sortir. La jeune fille partit en courant dans le couloir en riant, caressant du bout des doigts la main de s. au passage. Yushi se pencha vers un coffre qu'elle entrouvrit, sortant un kimono de soie pourpre orné de motifs brodés représentants des fleurs de lotus.

"Veuillez pardonner à Mashiko son impertinence, elle est une impossible gamine, elle n'a jamais vue de femme occidentale et se demandait quel goût vous pouviez avoir." 

Tout en disant cela le plus naturellement du monde, elle aidait s. à enfiler le luxueux kimono de soie.

s. essayait de masquer sa gêne tant bien que mal, n'osant comprendre à quelle sorte de goût faisait référence Dame Yushi. Elle se sentait particulièrement gauche en tentant de vêtir l'étrange draperie de soie, gauche et troublée par cette proximité si sensuelle des corps, maladroite et excitée comme une enfant devant un déguisement princier qui lui refuserait ses secrets. Ses doigts s'emmêlaient dans les larges manches et le contact de la soie la faisait frissonner. Elle fit un geste un peu trop brusque et laissa échapper un petit rire contrit

"Je ne suis décidément pas très habile pour me plier à vos coutumes. J'ai l'impression d'être une sauvage découvrant des raffinements inconnus. Pardonnez ma maladresse Yushi-sama, j'ai tant à apprendre de votre culture."

Yushi lui sourit doucement.

"Ne soyez pas gênée, il faut des années pour apprendre à revêtir un kimono, imaginez que je vous ai fait porter un Juni-Hitoe, nous serions encore dans cette pièce à l'aube. De plus, je ne serais guère plus habile si je tentais de trouver l'ordre dans lequel il faut enfiler la multitude de jupons qui composent votre vêture, surtout cet étrange objet qui vous serrait la poitrine."

Elle finit d'ajuster le kimono, se recula un peu.

"C'est tout à fait bien, vous le portez fort joliment. Prenez place sur le tabouret, je vais peigner vos cheveux, ensuite nous nous rendrons auprès de mon époux dans le Chashistu pour le Chanoyu"

Se saisissant d'un peigne d'ivoire, elle commença à peigner doucement les cheveux de s, démêlant les mèches avec application. Ses mains étaient douces et fraîches et venaient parfois effleurer la peau de s, peut être plus langoureusement que ne l'aurait permis la bienséance.

geishas. avait fermé les yeux. Elle avait failli demander à son hôtesse ce qu'était le chashistu et le cha... elle ne savait plus quoi, mais s'était vite persuadée qu'elle aurait tout le temps de le découvrir. C'était un instant de grâce qu'elle n'avait pas envie de rompre par un jeu de questions/réponses. Elle en profitait pleinement, s'immergeant dans un flot de sensations neuves, la douceur de la soie sur sa peau nue qui se réchauffait lentement à sa chaleur et était une perpétuelle caresse à chaque infime mouvement, la douceur des mains sur sa nuque, une autre caresse de soie tout aussi voluptueuse. Elle était troublée mais détendue, sereine, et elle souriait, les yeux clos avec la sensation délicieuse que rien de mal ne pouvait plus advenir, qu'elle était dans un bulle de perfection et de sérénité. Sans s'en rendre bien compte, elle laissa glisser sa joue contre la main délicate qui s'abandonnait sur son cou, un instant... et elle se ressaisit, se redressa, toussotant légèrement, confuse de son soudain laisser aller."Soumimassène" murmura-t-elle.

Yushi ne se départit pas de son sourire et effleura doucement la joue de la jeune femme.

"Venez, allons rejoindre mon mari, il doit nous attendre."

La prenant par la main, elle l'emmena à sa suite dans le couloir. Faisant glisser deux panneaux, elle entrouvrit l'accès à une petite salle dont le seul mobilier se composait d'une série de nattes et d'un petit poêle où se consumait un peu de charbon de bois. Et expliqua patiemment

"Voici le Chashistu, c'est la pièce où nous prenons le thé. C’est un moment important pour nous. Un acte très important qui se doit de tendre vers la perfection, cette cérémonie s'appelle le Chanoyu."

Soudain s. sursauta. Le seigneur de la maison se tenait derrière elles. Masami Yoshida était vêtu d'un kimono gris, rehaussé par un hakama noir. Il ne portait plus son katana et son regard semblait moins dur et impitoyable lorsqu'il se trouvait en compagnie de son épouse. Il détailla s. et sourit, se tournant vers Yushi il lui dit quelques mots. Celle-ci inclina la tête et se tourna vers s.

"Mon époux dit que vous portez fort bien le kimono et qu'il vous en fait présent pour tenter de racheter l'offense qui vous a été faite."

Sans attendre de réponse, Masami pénétra dans la salle et s'installa à genoux sur le tatami. Yushi fit  signe à s. de s'installer près d'elle, aux cotés de son époux. Mashiko pénétra dans la pièce tenant un plateau avec de multiples accessoires. Elle posa la théière sur les braises, surveillant le feu, la température de l'eau. Mashami désigna la théière et parla un instant en regardant s. puis, se tournant vers Yushi, lui fit un signe.

"Masami dit que cette eau est la plus pure d'Edo, elle surgit d'une source préservée dans les collines du palais impérial, qu'il faut prendre grand soin de ne point trop la faire chauffer. Elle ne doit point bouillir."

Mashiko versait à présent  du thé vert finement haché dans la bouilloire, à l'aide d'une cuillère en bambou taillé. Saisissant une sorte de fouet, elle commença à battre doucement le mélange, d'un mouvement rapide et fluide, faisant apparaître une mousse verte sur le liquide, puis, jugeant la préparation satisfaisante, tendit une tasse à s. qui soudain se rendit compte que 20 bonnes minutes venaient de se passer, vingt minutes à observer la minutie de chaque geste, empreint de sérénité et de recherche de la perfection. Elle prit le thé que lui tendait la jeune fille.

Et serra entre ses mains la tasse de grés brûlante, attendant que ses hôtes fussent servis, sans oser un mouvement.10882002 Il n'y avait nulle impatience en elle. Elle appréciait cette lenteur, ce calme si apaisant des gestes, la douceur des respirations. C'était comme si le temps s'était suspendu et tout lui semblait extraordinairement beau, dans la plus pure simplicité, si loin de l'apparat ampoulé des salons qu'elle fréquentait avec son époux. Elle avait l'impression d'être là où elle avait toujours souhaité être... sans trop savoir à quoi ce lieu ressemblerait. Mais elle se sentait en paix avec elle même, en harmonie avec ce patient cérémonial. Elle regardait chacun des gestes exécutés par Mashiko et souriait à ses hôtes chaque fois qu'elle croisait leur regard, le coeur soulevé par une vague de gratitude spontanée, se sentant acceptée, sans a priori mesquin.

Le thé se prenait en silence, chaque gorgée, doucement, apportait un peu de sa chaleur odorante à l'ensemble. Le silence fut soudain rompu par une voix d'homme qui appelait précautionneusement, dans le couloir. Masami leva la tête   

"Hai ?"

Les portes coulissèrent et un Bushi s'agenouilla dans l'entrée, les mains posées sur les cuisses. Il débita rapidement quelques phrases et, hochant la tête pour les saluer, se retira. Masami regarda sa femme avec un air interrogateur, puis s., avec une pointe de gène dans le regard, avant de reporter son regard sur son épouse. Yushi se tourna vers s. avec un air désolé.

"Cet homme revient du palais de l'ambassadeur. Votre mari vous fait savoir qu'il n'a point le temps pour l'instant de venir vous chercher et demande à ce que vous restiez ici pour la nuit. Il ne peut se permettre d'être en retard au bal de l'ambassadeur. Il vous fait savoir qu'il vous excusera auprès de son excellence." Yushi baissa la tête d'un air contrit. S. entendit la voix de Masami grommeler

"Aho.."

Avant de vider sa tasse d'une gorgée.

Le visage de s. était le théâtre d'émotions contradictoires. Elle se contraignit, à grand peine, à réfréner la joie qu'avait éveillée cette nouvelle et sentit la colère monter en elle. Elle se convainquit rapidement qu'elle devait la franchise à ses hôtes, ne serait-ce que pour la changer de l'hypocrisie des relations entre diplomates

"Ne prenez pas cet air désolé Yushi-sama. C'est sa façon à lui de me faire payer l'embarras dans lequel je l'ai mis en n'honorant pas l'invitation de l'ambassadeur et de me punir de ma désobéissance.

Il doit me croire horrifiée à l'idée de passer la nuit dans les quartiers nippons !"

Ses yeux noirs jetaient des flammes de colère et son visage s'éclaira d'un grand sourire

"Et bien, en cela il se trompe ! Je suis ravie d'échapper à ses sempiternelles réceptions guindées... et immensément honorée d'être parmi vous."

Un peu surprise de l'audace de sa déclaration, elle baissa la tête et vida sa tasse d'un trait, sans plus oser croiser les yeux de ses hôtes.

interieurjapon1Yushi traduisit sa tirade à son mari qui la regardait d'un air perplexe. Il la scruta un moment puis son visage s'illumina d'un grand sourire. Il appela et immédiatement trois femmes, portant de nombreux plateaux couverts de multiples petites coupelles, pénétrèrent dans la pièce. C'était un festival de couleurs et de saveurs différentes qui nourrissaient le regard avant de nourrir le palais. Les dames posèrent les plats devant eux et se retirèrent doucement. Masami désigna chaque plat et en indiqua la composition : fruits de mers, coquillages, riz parfumé, poissons cuits et crus. Autant la cérémonie du thé avait été silencieuse autant le repas se montrait animé et plein d'entrain. Masami, de temps en temps, par l'intermédiaire de son épouse, interrogeait s. sur les moeurs et les coutumes des européens et Yushi répondait à son tour, de bon cœur, à toutes les interrogations de leur invitée. Mashiko avait saisi un koto et doucement pinçait les cordes, tirant une suave mélopée de l'instrument, ne cessant de sourire paisiblement à s.

Ce repas était un ravissement des sens. Les papilles de s. étaient titillées par des saveurs subtiles et chaque met goûté la surprenait agréablement. La conversation était un pur bonheur et elle en oubliait presque le barrage de la langue, tant les idées s'échangeaient dans la bonne humeur, avec vivacité et bel esprit. Elle répondait à la curiosité de Masami, tentant d’établir des comparaisons, parfois un peu fantaisistes et audacieuses, entre leurs deux cultures et apprenait, plus qu’elle ne l’aurait jamais cru possible, sur la culture de l’Empire Edo et le shogunat. La musique qui s'élevait doucement finissait de la combler. Elle souriait à ses hôtes et rendait ses sourires à Mashiko sans aucune gêne, toute à sa joie de la découverte et du partage.

Le thé vert avait fait place à l'alcool de riz, fumant dans de petits bols de céramiques. La liqueur brûlante enflammait les gorges. Masami dit quelques mots en direction de Mashiko dont les joues s'empourprèrent immédiatement. Yushi traduisit à l'attention de s.

"Mon époux demande à dame Mashiko où en est son irezumi."

Devant l'air totalement désorienté de s. la jeune femme expliqua plus longuement

"L'Irezumi est un tatouage traditionnel, Dame Mashiko a choisi de marquer son appartenance au clan Yoshida en portant sur son corps la démonstration indélébile de sa fidélité absolue."

La jeune fille posa son instrument au sol et leur tourna le dos. s s'avisa, à ce moment là, qu'à aucun moment elle  n'avait vu ou fait attention au dos de la jeune fille durant le bain. Celle-ci fit glisser doucement son kimono, dévoilant la peau claire de ses épaules et son dos. Apparut alors aux yeux de s. un grand motif en voie de finition, le corps d'un dragon enroulé autour d'un arbre verdoyant s’offrit à son regard curieux et émerveillé. L'oeuvre était aux trois quarts terminée, il ne manquait plus que certaines zones à remplir de couleur et le dragon éclaterait de toute sa force sur la peau fine de Mashiko. Masami s'était approché de la jeune femme et étudiait soigneusement le dessin en hochant la tête d'un air approbateur. Il invita les deux femmes à le rejoindre pour contempler la finesse de l'oeuvre.

L'oeuvre était déjà si parfaite qu'il sembla à s. que le Dragon avait sa vie propre. Et l'éclat fabuleux de l'animalanesan_1_ l'attirait irrésistiblement. Elle avait envie d'effleurer les écailles multicolores, d'en suivre les contours, aussi reçut-elle l'invitation avec le plus grand plaisir. Cependant, elle s'approcha timidement, avec un infini respect, retenant son souffle, subjuguée par la beauté du dessin qui sublimait la chair opalescente de Mashiko.

"J'ai entendu dire que vos Dragons n'ont rien à voir avec les nôtres. J'ai lu quelques unes de vos légendes traduites. Mais j'ai peur que la portée de leur enseignement m'ait échappé. Toujours est-il que ce Dragon là est magnifique. Une force et une beauté à couper le souffle. Pardonnez-moi si ma question vous paraît insolente, est-ce le symbole de la puissance du clan Yoshida ?"

Dame Yushi traduisit la question à son époux qui regarda s. avec un air approbateur. Il hocha la tête tout en s'adressant à s., tandis que Yushi traduisait ces paroles.

"Le dragon du clan Yoshida signifie plus que la puissance et la force de la créature mythique, c'est avant tout le symbole du rôle de protecteur que se doit d'avoir le membre du clan. Depuis plus de 600 ans les Yoshida sont les protecteurs de la maison impériale, les bushis du clan ne vivent que pour la vie de l'empereur, ils forment la garde rapprochée du palais. Aujourd'hui, les choses ont changé, l'empereur s'est entouré de nouvelles idées, de nouveaux projets inspirés par les occidentaux. En un sens c'est une bonne chose, nul ne peut vivre en se repliant sur lui-même, ainsi le Japon doit s'ouvrir à la modernité. Le prix à payer, hélas, est la disparition d'un grand nombre de nos traditions. Certains le vivent très mal. Je sais que ma maison, mon clan, comme celui de tous les autres seigneurs de la guerre, est sur le point de s'effondrer. J'ai été tenté de suivre les grands seigneurs dans leur folle guerre, dans leur dernière bataille, celle qui se prépare en ce moment même et qui verra probablement la fin des samouraïs. Mais le devoir d'un Yoshida est avant tout de se tenir au coté de l'empereur, même si celui-ci souhaite votre disparition."

Il prit son verre de saké et le vida d'un trait. Dame Yushi posa sa main sur celle de son mari et le regarda tristement.

"Mon mari est un homme instruit et lettré. Il a essayé de faire comprendre à notre empereur qu'il devait exister un chemin entre les extrêmes, qui nous permette de changer, d'avancer, sans pour autant nous perdre. Mais l'empereur a arrêté sa décision, et rien ne peut plus sauver les Bushis."

Masami se leva en remplissant son verre et le leva vers le ciel.

"Buvons, buvons au dernier combat des braves, buvons à la fin d'une époque et à la naissance d'une nouvelle ère, ne pleurons plus hier et chantons demain."

Il vida son verre et dame Yushi fit de même.

meijis. but avec eux, le coeur infiniment triste. Elle ne savait que trop combien l'Empereur était entouré par une cours d'occidentaux avides qui, le flattant, le poussait sans cesse à renier sa propre culture. Et les français n'étaient pas les derniers ! Elle en avait tellement honte. Quand elle voyait cet homme, Empereur d'une contrée fabuleuse, apparaître en costume Napoléon

III

... et l'hypocrisie, les mensonges, les moqueries qui encadraient ses apparitions parmi ses congénères européens ; elle avait envie de vomir, de pleurer aussi. Elle observait le fond de sa tasse vide, évitant de relever les yeux. Elle n'avait pas à importuner ses hôtes avec ses préventions d'épouse rebelle, ils avaient déjà bien assez de leurs propres soucis. Sans relever la tête, elle susurra

"Il y aura toujours des Samouraïs... aussi longtemps qu'il y aura des dragons"

Et elle savait qu'elle formait un voeu, un voeu pour ce pays dont elle s'était peu à peu mise à aimer les traditions, sans pourtant trop bien les comprendre.

Masami la regarda les yeux brillants. Les lanternes faisaient briller des flammèches dans ses yeux sombres. "Les Samouraïs ne disparaîtront jamais, peut être le Japon les oubliera-t-il un temps, mais au fond de chaque habitant de ce pays il restera toujours la lame d'un katana et le parfum du thé fumant. Lorsque les gens de mon peuple se seront aperçus qu'ils ne peuvent être ce qu'ils veulent qu'en acceptant ce de quoi ils sont originaires, alors seulement ils se trouveront eux-mêmes. L'empereur est jeune encore, il apprendra avec les années et un jour toutes les grandes nations qui se moquent de lui aujourd'hui comprendront qu'il ne fait pas bon défier le soleil Levant. Mais cessons là cette triste conversation, vous êtes notre invitée s. et nous ne voulons pas vous charger de nos soucis."

Il se tourna vers son épouse et lui fit un signe, celle-ci hocha la tête en souriant doucement tout en tournant le dos à s.

"A présent, voyez une oeuvre achevée."

Le fin tissu de son kimono glissa sur sa peau de soie. Le dragon était magnifique et semblait sur le point de s'envoler, la couleur paraissait presque mouvante, changeante.

"Ce tatouage a été réalisé par maître Oshiba, un des plus grands tatoueurs du japon. Oshiba utilise une technique toute particulière pour faire ressortir le grain de la peau lors de la séance de tatouage."

s. détaillait le tatouage, bouche bée. Il était somptueux, d'une extraordinaire finesse et empli de force à la fois. "C'est une merveille!" souffla-t-elle "Une pure merveille qui semble respirer, si délicatement et si intensément... posée sur une autre tout aussi extraordinaire merveille... Veuillez m'excuser encore... je ne sais si je peux... mais votre beauté Dame Yushi est si émouvante que je ne sais si vous êtes l'écrin du dragon que vous portez ou si c'est l'inverse !" s. se mordit les lèvres en rosissant d'avoir osé pareil compliment. Elle aurait fait un beau scandale en parlant de la sorte devant ses pairs !

Dame Yushi se tourna vers elle en souriant, inclinant doucement la tête, elle la remercia. "Je vous sais gré de ce joli compliment, mais votre peau tout autant que la mienne gagnerait à se voir ainsi ornée."

En se retournant, elle avait omis de remonter son Kimono et ses seins, aux pointes érectiles, semblaient se tendre03_last_samurai vers les mains de s. Elle put à loisir contempler la peau sans défaut de la jeune femme ainsi que le trouble qui semblait voiler le regard sombre. Mashiko, elle aussi toujours nue jusqu'à la taille, saisit son instrument et se mit à pincer doucement les cordes. Yushi reprit.

"Pardonnez mon impudence, mais dans mon pays le corps est une source d'inspiration et  avoir entrevue le vôtre m'a inspiré des sentiments que je sais désapprouvés par le sens moral des européens, je vous prie de m’en excuser."

Disant cela Dame Yushi s'inclina profondément devant elle, attendant le pardon ou que s. lui signifie son congé.

s. fixait Dame Yushi, incrédule. Elle se sentait tellement insignifiante, tellement grossière que ce qui la choquait n'était pas l'attirance que venait d'évoquer la jeune femme mais bien qu'il y ait pu avoir attirance ! Délicatement, et infiniment troublée, s. saisit les belles mains fines et les pressa entre les siennes

"Oh belle et noble Dame, je vous en prie. Je reçois ce témoignage comme un honneur dont je me sens si peu digne ! N'ajoutez point la gêne à mon trouble en me demandant de vous pardonner pour une chose qui m'effraie sans doute, me flatte sans que je parvienne à y croire mais en rien ne m'horrifie ! Il y a longtemps déjà que se fait en moi une dure lutte contre une stupide éducation qui me plie à un rôle dans lequel j'étouffe !"

Et disant ces mots, pour la première fois, étonnée d'avoir su les formuler, elle cherchait le regard de Yushi pour être certaine d'avoir été comprise.

Les yeux de Yushi se levèrent pour croiser ceux de s, ils étaient à la fois troublés et brillants. A son tour elle pressa les mains de s. dans les siennes.

"Dame S., je ne saurais trop vous remercier pour ces mots, et l'écho qu'ils renvoient à mes propres sentiments."

Levant les mains de son invitée vers son visage, elle pressa doucement ses lèvres, délicatement teintes de vermeil, sur la peau de s. et embrassa doucement les deux mains tremblantes posées dans les siennes. Ses mains ne la lâchaient plus et, remontant la tête, elle planta son regard dans celui de s. et avança doucement vers le visage de la jeune femme. Leurs bouches n'étaient qu'à quelques centimètres l'une de l'autre et leurs souffles s'emmêlaient au gré de leur respiration. La poitrine de Yushi se soulevait de plus en plus rapidement.

"Dame s., laissez-moi, d'un baiser, réconcilier nos peurs et rassurer nos esprits."

Doucement les lèvres de la jeune femme se posèrent sur celles de s., comme un papillon se pose sur une fleur, le souffle léger d'un vent printanier qui venait effleurer, de sa fraîcheur, la fleur de son désir.

De surprise, s. faillit reculer. Mais elle céda à la douceur de l'effleurement, fermant les yeux, appréciant le pulpe délicat des lèvres de soie qui s'unissaient aux siennes en frémissant. En elle, une petite voix aigre tentait bien de crier

"C'est mal ! Dieu te voit et te juge !",

Son corps, son âme, voulaient ce baiser et ses mains désiraient caresser le dragon plus que tout. Sa main s'éleva, un instant, en direction du dos splendide, mais retomba, encore trop prisonnière d'une pruderie si bien ancrée qu'elle ne lui permettait pas d'oser, la première, des gestes que tout en elle pourtant souhaitait. Le coeur battant, les lèvres scellées à celles de Yushi, elle n'osait pas bouger.

geisha_girl_bondage_variation_by_bexai_1__1_Yushi gardait ses lèvres unies à celles de s, suspendant ce moment de fragile éternité, ce lien qu'elle sentait encore si ténu entre elle et la jeune femme. Elle pouvait sentir son souffle et les tourments de son esprit qui oscillait entre le désir et la fuite. Elle ne lâcha pas les mains, se contentant d'appuyer son baiser sur les lèvres de sa partenaire. Doucement, une de ses mains caressa un des poignets de s, glissant sous la manche de son kimono. Elle effleura l'avant bras du bout des doigts. Yushi pouvait entendre les soupirs de Mashiko, soupirs d'envie teintée de jalousie, sûrement, qui couvraient parfois la musique douce de son instrument. Les doigts de Yushi continuaient à caresser lentement la peau de s. Lentement, les lèvres de Yushi s'entrouvrirent, laissant le bout fin de sa langue caresser les lèvres closes de s, chercher délicatement le chemin qui les guideraient plus loin sur l’éclosion de leurs désirs.

Ne parvenant pas à réprimer le léger tremblement de sa bouche, s., le coeur à l'arrêt, entrouvrit les lèvres accueillant la langue douce, sa caresse suave, qui venait emporter ses dernières défenses. Sa main s'échappa enfin et effleura timidement le dos de Yushi, suivant de la pulpe des doigts la danse du dragon sur le dos de la belle. Et leurs deux langues entamèrent un lent ballet, tandis que l'instrument de Mashiko faisait naître une mélopée étrangement triste et envoûtante.

Dame Yushi soupira doucement tandis que les doigts de s. parcouraient son dos. Ce contact subtil faisait naître en elle des frémissements et elle sentait son corps répondre comme un instrument de musique sous le toucher de la jeune femme. Leurs langues qui s'emmêlaient avec douceur, en un long baiser, leurs langues, qui jouaient l'une avec l'autre se transmettaient leur désir, leur faim de l'autre. Ses doigts quittèrent la manche du Kimono et glissèrent sur le bras de s. pour remonter sur son épaule. Doucement, elle caressa la peau de son cou, sans jamais cesser de l'embrasser, et sa main fine commença à faire glisser le tissu sur la peau de s, révélant la peau qui frémissait sous la soie fine.

s. frissonna quand la soie commença à découvrir sa peau. La main, pourtant si fraîche qui l'effleurait, semblait brûler sa chair. Son baiser se fit haletant. Elle ouvrit les yeux pour diminuer le vertige qui s'emparait d'elle et l'envie de glisser au sol en entraînant Dame Yushi avec elle. Elle ouvrit les yeux... et elle croisa le regard de Masami. Deux braises dans un regard d'encre, fixées sur elles. Elle se figea, se cramponna aux épaules de Yushi, soudain confuse... elle avait complètement oublié sa présence.

Masami se leva. Son kimono se déploya, volant un instant autour de lui, puis retomba mollement autour de son corps.japonais Il dominait les deux femmes, toujours enlacées dans l'étreinte de leur baiser, la main de Yushi caressant doucement un des seins de s. Il dit quelques mots, un souffle rauque qui s'échappa de sa bouche presque closes. Dame Yushi interrompit son baiser et, regardant s. avec des yeux où brûlaient le désir et l'envie, elle lui murmura.

"Mon époux désire vous faire partager un autre aspect de notre culture, un côté que, peut- être, aucun occidental n'a jamais eu l'occasion de connaître, cela se nomme le shibari. Il s'agit à la fois d'un art et d'un jeu de corps et de cordes. Voulez-vous expérimenter cela avec moi s. ?"

s. la fixa, une interrogation intense et muette dans le regard. Shibari ? Elle n'avait jamais entendu ni lu ce mot nulle part et il n'évoquait rien pour elle. Elle leva lentement les yeux vers Masami qui la regardait toujours avec cette même lueur ardente plantée dans les prunelles et parla pour lui : "Il n'est rien que je ne souhaite plus que de pouvoir découvrir ce qui fait votre culture, sous tous ses aspects. Et je crois, ce soir, être prête à tout expérimenter. Shin den-shin (un coeur parle à un autre coeur)." Et elle sourit doucement en baissant les yeux.

Masami se tourna vers Mashiko avec un sourire et lui fit un petit signe ; celle-ci s'inclina doucement et se leva avant de sortir de la pièce. Dame Yushi se recula avec lenteur, éloignant son corps légèrement de celui de s. et dénoua le bas de son kimono qu'elle fit glisser au sol, révélant son corps d'albâtre. La peau fine et blanche de la jeune femme brillait doucement dans la lueur des petites lanternes qui éclairaient la pièce. Sa poitrine se levait et s'abaissait au rythme de sa respiration. A genoux devant s, assise sur ses talons, on distinguait la fine bande de poils pubiens soigneusement entretenue de son sexe quasi imberbe. s remarqua que nulle pilosité hormis cette fine bande de poils sombres ne couvrait son corps. Il émanait d'elle une odeur à la fois sensuelle et légère de fleurs et d'encens. Les mains de Yushi se posèrent sur la ceinture de s, qu'elle défit. S. ne lâchait pas le regard de la femme à genoux en face d'elle. Yushi écarta doucement les pans de soie, révélant la peau satinée de la jeune femme.

s. frissonna, en sentant le kimono glisser sur sa peau. L'appréhension la saisit et elle n'osait plus regarder Masami. Sa nudité, sans lui paraître totalement obscène, était une chose si nouvelle pour elle qui, même dans l'intimité avec son époux, portait toujours une chemise, qu'elle ne savait trop comment se tenir. Elle se sentait terriblement vulnérable et exposée, indécente et victorieuse à la fois. Elle plongea son regard dans les yeux de Yushi pour y chercher un appui et tenter de calmer sa respiration qui s'affolait.

smartshot_ohm_s9360__1_Les yeux de Yushi se firent plus doux. Ils semblaient murmurer « Ne craignez rien, je suis avec vous, tout se passera bien. » Doucement, le plat de sa main caressa  le haut de sa poitrine et glissa lentement sur les seins de s. Elle effleura, d'une caresse subtile, les pointes dressées et contourna l'arrondi de la poitrine, avant de passer au sein suivant. Sa main était à la fois légère et déterminée, frôlant doucement, se posant, puis se relevant. Les portes glissèrent, laissant le passage à Mashiko qui portait dans ses bras un panier d'osier qu'elle posa avec précaution sur le sol, près des deux femmes à genoux. Masami en retira le couvercle et en sortit une longue corde de chanvre soigneusement enroulée. Il se positionna aux côtés des deux femmes et saisit la corde par son milieu, formant une sorte de boucle. Il se recula un instant, comme pour évaluer la scène, regardant alternativement les deux corps qui se faisaient face, et passa doucement la boucle de chanvre  autour du cou de son épouse, faisant un noeud qu'il laissa reposer sur la poitrine qui se soulevait doucement. Il déroula ensuite soigneusement la corde, la faisant glisser lentement dans sa paume. D’un mouvement rapide, il fit un autre noeud au-dessus de  son nombril. Continuant à dévider la corde, il fit un dernier noeud au niveau du pubis, avant de glisser les cordes entre les cuisses légèrement écartées. Il fit, de même, trois noeuds dans le dos de son épouse au même niveau que les noeuds sur sa poitrine, terminant par une boucle au niveau de son cou. Il laissa ainsi une longueur de corde significative en suspend. Puisant dans son panier, il sortit une autre corde qu'il déroula de la même façon. Il se tourna vers s., et, doucement, noua la corde de chanvre autour de son cou. Elle sentit ses doigts effleurer légèrement la peau de son cou, puis celle de sa poitrine, tirant la corde, la faisant glisser lentement sur la peau nue, prenant soin de ne pas blesser, de ne pas irriter la peau par le frottement rugueux de la corde. Visiblement, il se préparait à enrouler la corde autour de s. comme il l'avait fixée autour de son épouse.

s. se raidit au contact de la corde et plus encore quand les doigts de Masami effleurèrent sa peau. Son coeur bondissait dans sa poitrine et sa respiration était chaotique. Elle fixait le corps de Yushi que les cordes habillaient, soulignaient, semblaient redessiner comme une étrange parure à la fois sauvage et sophistiquée et cette vision, paisible et étrangement belle, lui apportait un semblant de réconfort. Elle se détendait peu à peu, frémissait pourtant à chaque passage de la corde, chaque fois que les doigts de Masami prolongeaient un peu trop leur contact dans leur patient travail, mais n'esquissait pas un mouvement, fermant les yeux, les narines emplies de l'odeur suave et un peu écoeurante du chanvre, toute pénétrée par le silence aussi dense et cérémonial que lors du thé et qui lui interdisait toute manifestation. Elle livrait son corps aux caresses des cordes et en ressentait un bien être grandissant et plus les noeuds venaient contraindre sa chair, plus les mains s'activaient, plus elle se sentait emplie d'une allégresse proche de l'ivresse et d'une étrange paix.

A présent, les deux femmes étaient pareillement entravées de liens qui dessinaient les contours de leurs corps de14e5c6ed0fcdf604_1_1 marques claires. Masami saisit les cordes qui partaient dans le dos de son épouse et les tira doucement vers l'avant pour en entourer les poignets de la jeune femmes en plusieurs boucles qui se resserraient autour de sa peau fine. Puis il fit de même avec les deux poignets de s. Continuant à tirer les cordes, il les obligea à tendre leurs poignets vers l'avant jusqu'à ce que les mains de chacune d'entre elle se trouvent posées sur l'intimité de celle qui lui faisait face. Il lia, par quelques boucles habiles, les cordes de chanvre aux corps qui frémissaient, les immobilisant dans cette position. Ensuite, il entama un savant tissage, faisant courir les quatre bouts de cordes comme une araignée qui tisse sa toile, d'une femme à l'autre, les faisant aller et venir, tissant un filet, se servant des premières cordes posées comme appui pour continuer son tressage. Bientôt, les deux femmes furent prisonnières d'une nasse de corde, un maillage compliqué qui les unissait. Sur un signe de tête, Mashiko vint se poster derrière s. et Masami derrière son épouse. Tout deux saisirent les cordes et commencèrent à tirer doucement sur les extrémités. Elles sentirent les cordes se tendre et leurs corps, pris dans le filet, se rapprochèrent inéluctablement. Bientôt l'étreinte impitoyable du filet les fit se retrouver peau contre peau, sans leur laisser la possibilité d'effectuer le moindre mouvement. Masami fixa les cordes pour achever son oeuvre et se recula pour admirer les deux corps enlacés, emprisonnés l'un contre l'autre dans une étreinte inflexible, leurs mains posées sur l'intimité de celle qui lui faisait face. Il vit les doigts de Yushi bouger doucement sur l'intimité de s.

s. n'ouvrait plus les yeux. La prison de corde qui retenait si bien son corps l'avait plongée dans une béatitude voluptueuse et elle reçut la caresse de Yushi dans un tel état d'abandon qu'elle ne s'en offusqua pas. Ses doigts bien au contraire se mirent à jouer la même partition, d'abord timidement, effleurant la fleur nacrée qui ouvrait sa corolle perlée de rosée sous ses doigts puis, avec une curiosité fébrile, devinant, de la pulpe du doigts, le renflement d'un bourgeon palpitant, s'y arrêtant, le frôlant longuement. Les yeux toujours clos, frémissante, s. sentait ses doigts se charger d'une chaude humidité et son propre corps tanguant entre les cordes offrait la même source. Jamais elle n'avait ressenti des sensations aussi intenses, un vertige aussi grand. Maintenue, mains tenants, il lui semblait qu'elle voguait sur la rivière des délices !

Masami se releva, hochant la tête avec satisfaction, tournant la tête vers Mashiko, il s'aperçut qu'elle le fixait avec des yeux suppliants. Il lui sourit en acquiesçant de la tête. La jeune fille eut un sourire radieux et défit rapidement son kimono, le laissant glisser au sol d'un mouvement souple. Elle vint se coller contre le dos de s. et ses mains s’immiscèrent doucement entre les deux corps entravés. Recouvrant les seins de s. avec ses paumes, elle entreprit un lent massage, mains prises dans l'étau que formaient les deux corps étroitement liés. Sa bouche se posa doucement sur l'épaule de s. en y déposant de petits baisers, caressant la peau du bout de la langue. Elle laissa glisser la pulpe rouge de ses lèvres sur le cou de s., remontant vers le lobe de son oreille. Elle agaçait doucement la chair tendre de s, ses paumes toujours aplaties sur ses seins. Sa poitrine se frottait contre le dos de s et son corps s'emboîtait contre celui de la jeune femme. Masami observait la scène, silencieux, l'air grave. Il hocha la tête et défit son propre kimono, le laissant tomber au sol, révélant un corps presque entièrement recouvert de tatouages.

hk030_1_1Le coeur de s. s'affolait sous les sollicitations des attouchements conjoints de Mashiko et de Dame Yushi et ses doigts se perdaient fébrilement sur le corail humide qui vibrait sous ses caresses. Jamais le désir n'avait embrasé son corps avec une telle intensité. Et la morsure des cordes sur sa peau nue, qui la maintenaient dans une immobilité de statue, était une torture qui intensifiait encore son désir, le rendant insupportable. Elle souffrait de sentir la prison de chanvre la forcer à une pose infinie où seules ses mains pouvaient goûter à une promesse d'égarement alors qu'elle voulait plus encore, que son corps douloureux, tremblant de frustration et d'excitation, suppliait pour une libération qui lui permette de s'offrir davantage, de découvrir plus encore. Et la puissance de son ressentir était telle qu'elle s'en effrayait tout en y cédant avec un étonnement ravie. Dans son vertige, elle sentit une présence nouvelle, entrouvrit les yeux et fut happée par les couleurs qui dansaient sur l'épiderme de Masami, si près d'elle qu'il lui sembla qu'elle baignait dans une lumière irridiscente émise par les tatouages.

Masami s'avança vers le petit groupe étroitement enlacé. Il vint se placer derrière son épouse, laissant descendre ses mains le long du corps de Yushi, caressant, dans le même mouvement, du bout des doigts, la peau tremblante de s. Les mains de Mashiko se mirent en mouvement, comme pour répondre aux mouvements des mains du chef du clan Yoshida. Les quatre mains entamèrent une étrange danse silencieuse sur les peaux des femmes entravées, glissant et caressant, effleurant et se croisant de manière inlassable. Les caresses étaient à peine appuyées, juste un effleurement du bout des doigts, qui venait agacer la peau, qui par moment semblait appuyer un peu plus fort, faisant naître d'étranges décharges électriques dans le corps des deux femmes. s. ne le savait pas, mais les mains expertes de Mashiko et Masami stimulaient, de manière très précise, des points particuliers d'acupuncture, cherchant dans ces effleurements à emporter leurs partenaires dans un torrent de désir. Ils dosaient au plus fin les caresses qu'ils déposaient sur leurs corps, afin de les faire gémir au plus près du plaisir, sans jamais l'atteindre totalement.

s. tanguait à présent dans les cordes, sans plus retenir ses gémissements, qu'elle eut jugé honteux en tout autresshimainbw2_1_ circonstances, dérangeant la belle architecture des entraves par ses lentes ondulations. Sa respiration était devenue plus rapide et elle aspirait l'air de manière chaotique. Ses gémissements, peu à peu, se transformaient en râles, sa gorge brûlait autant que son sang et sa chair et, à son souffle affolé, répondait la brise douce de la calme volupté de Yushi. Le contraste entre les deux corps était saisissant : l'un, d'ambre brûlant, semblait se tordre et lutter dans un chant de suppliciée tandis que l'autre, de pâle ivoire, frémissait suavement dans un murmure délicat. Mais l'aura de désir et de plaisirs qui les liait pareillement était quasi palpable.

Masami se recula un peu et fit un petit signe de la tête en direction de Mashiko. Dans un même mouvement, ils défirent les noeuds qui maintenaient le filet de chanvre. Celui-ci s'ouvrit soudain, libérant les deux femmes de leurs entraves. L'habile tissage de Masami se déroula comme coule une fontaine et les corps des deux femmes furent soudain libres. Yushi étreignit immédiatement s. entre ses bras et entreprit de l'embrasser furieusement. Sa langue vint chercher celle de sa compagne, en un baiser profond et passionné, tandis que ses mains semblaient avides de découvrir au plus vite tout ce qu'il lui avait été interdit de découvrir d'elle jusqu'à cet instant. La faim, aiguisée par la contrainte et l'attente, se révélait soudain au grand jour de ses désirs. Les deux femmes basculèrent sur le tatami, étroitement enlacées. Masami laissa glisser une main le long de la cuisse de Yushi, effleurant les fesses de sa femme avant d'aller caresser celles de s. Il glissa un doigt dans la vallée qui séparait les deux globes et titilla doucement la rosette qui se cachait au plus profond des replis. La main de Mashiko, elle, courait sur le ventre plat de s, caressant la toison pubienne de la jeune femme, ses doigts se perdant entre ses cuisses, cherchant le sexe humide. Tout en prodiguant ses caresses, elle s'inclina doucement vers Masami et ses lèvres entrouvertes vinrent se poser sur le gland du maître de maison. Une petite langue habile, dardée entre ses lèvres rouges, vint agacer le méat de l'homme, puis sa bouche s'ouvrant, se faisant accueillante, elle goba la tête du membre qui se tendait vers ses caresses. s. vit les lèvres de la jeune femme descendre doucement sur la hampe de chair.

Tout en laissant ses mains partir, affamées et fébriles, à la découverte du corps frémissant de Yushi, elle ne parvenait pas à détacher son regard de l'incroyable spectacle de ce pieu de chair s'enfonçant dans la bouche délicate de la jeune dame de compagnie. C'était horrible, c'était fascinant... si attirant. Elle n'avait pas imaginé pareille intromission auparavant mais elle était soudain submergée par l'envie insensée d'en connaître la saveur, d'en expérimenter la texture. Une bouffée de désir d'une rare violence lui broya les entrailles la poussant, à défaut, vers les lèvres de Yushi qu'elle reprit avec sauvagerie, en haletant.

hang3_1_Masami se laissa aller à la caresse de la bouche de la jeune fille, une de ses mains posée sur la tête qui s'activait entre ses cuisses. L’autre ne restait cependant pas inactive, délicatement, ses doigts caressaient l'anneau sombre de s, parfois un doigt se posait au centre de l'auréole et pesait doucement sur la fine barrière de chair comme pour en éprouver la résistance. Il la sentait se  crisper chaque fois que son doigt tentait de franchir la fine barrière ; elle ne semblait pas coutumière de cette pénétration. Il n'en cessait pas pour autant ses intromissions, sentant petit à petit le corps s'ouvrir, en venir à appeler les caresses de ses doigts. Finalement, il poussa une phalange de son index en elle. Les chairs palpitantes de s. se refermèrent sur son doigt qu'il fit doucement coulisser dans l'étau de ses reins. Se dégageant de la bouche de Mashiko, il se plaça entre les deux femmes soudées dans leur baiser et présenta son gland luisant de salive à l'orée des lèvres jointes.

Les reins traversés de décharges électriques, s. vit la belle bouche de Dame Yushi abandonner doucement la sienne pour venir effleurer la hampe qui frôlait ses propres lèvres. Son ventre se serra d'angoisse et de désir. Timidement, elle tendit sa bouche vers le membre de Masami, caressant, de la pulpe des lèvres, la douce soie de la chair tendue et luisante. Le contact en était si extraordinaire qu'elle s'enhardit, sentant les vibrations qu'elle faisait naître par ses effleurements. Sa bouche s'entrouvrit et, de sa langue, elle parcourut la hampe, rejoignant la bouche de Yushi autour du gland, unissant dans sa bouche l'extrémité d'un sexe et le bout d'une langue, ivre de volupté, se cambrant pour accueillir le doigt qui la pénétrait, s'ouvrant, s'offrant, emportée par le plaisir de donner et recevoir dans un élan incoercible.

Masami enfonça son doigt un peu plus loin dans les reins de s., au fur et à mesure que sa caresse sur son membre se faisait plus précise. La bouche de la jeune femme se montrait habile. Visiblement, elle prenait un vif plaisir à la caresse qu'elle prodiguait. Bientôt son index fut complètement enfoncé dans les reins de la jeune femme. Tandis que les deux bouches affolantes caressaient sa virilité, il sentait son corps parcourut de décharges de plaisir qui remontaient le long de tout son être. Il sentit le corps de Mashiko glisser à ses cotés et vit la bouche de la jeune fille s'approcher du sexe offert de s. Yushi retira ses doigts qui jouaient dans cette intimité brûlante, pour laisser le passage à la jeune gourmande. Les lèvres fraîches vinrent se poser sur le sexe moite et enfiévré, et la bouche de Mashiko s'activa sur l'intimité de s. Masami fit pénétrer son membre entre les lèvres de son épouse, puis le retirant fit de même avec s. Il passait ainsi, alternativement, d'une bouche à l'autre, accueillant les langues qui agaçaient son membre, s'enfonçant parfois à les étouffer, puis se retirant. Il se sentait au bord du plaisir et s'arracha aux caresses des deux femmes. Immédiatement, les lèvres de Yushi revinrent prendre celles de s, reprenant leurs baisers enfiévrés. Masami s'allongea dans le dos de s, retirant son doigt des reins de la jeune femme. Il commença à caresser doucement l'anneau étroit du bout de son gland tandis que, parfois, la bouche de Mashiko venait s'égarer le long de la raie sombre et effleurer son membre, avant de retourner caresser l'intimité palpitante de s

s. répondait aux baisers de Yushi avec ferveur, avec la fougue d'un désir incendiaire et tout neuf qui ne lui laissait plus aucun répit. Serrée contre le corps de la belle Dame, les doigts emmêlés dans sa longue chevelure, elle buvait ses baisers comme au sortir d'un désert. Et sentant le corps de Masami appuyer sur son dos, elle fut parcouru d'un violent frisson. Une onde électrique traversa sa moelle épinière, lui arrachant un profond gémissement. Son corps appelait. Il se tendit, se cambra et ondula, recherchant le contact de la peau de Masami, recherchant l'effleurement de son sexe, cette présence virile que sa bouche avait voulu, avait goûté et que ses chairs désiraient avec une violence impitoyable. Son coeur cognait très fort et irradiait, incandescent, dans sa poitrine bouleversé par la montée du désir, par la peur de ce qu'elle pressentait à travers les brumes du plaisir. Tout son corps palpitait d'attente et de volupté, que la langue habile de Mashiko ne faisait que démultiplier.

Les mains de Yushi  vinrent saisir les fesses de s. et, tirant sur les deux globes, elle écarta les chairs tremblantes,tobira2_1_ révélant le sillon sombre palpitant de désir. Masami appuya doucement son gland contre la barrière de chair. Il commença à pousser vers l'avant. Après un instant de résistance, il sentit les chairs s'ouvrir sous la poussée de son sexe et la peau fine s'écarter à son passage. Bientôt le gland fut happé par les chairs brûlantes de s. Il resta immobile un moment, tandis que la bouche de Yushi étouffait les gémissements de s par ses baisers et que la langue de Mashiko s'agitait de plus en plus vivement sur le clitoris de la jeune femme. Puis il saisit les hanches de s. et donna une impulsion à son membre, s'enfonçant dans les chairs frémissantes. Il vit sa hampe disparaître dans les reins de la jeune femme, et ne cessa son avancée que lorsque ses poils pubiens vinrent se frotter à la chair ferme de ses fesses. Il la serra contre lui ainsi, sentant la chair palpitante masser son membre, puis entama un va et vient, d'abord lent, puis de plus en plus rapide.

s. poussait de petits cris à travers les baisers échangés avec Yushi, cris de surprise, de douleur et de plaisir mêlés qui se muaient, peu à peu en feulements étouffés par les baisers.  Elle se livrait entièrement aux sensations si nouvelles qui submergeaient son corps, ses sens, tout son être. Elle avait la sensation d'exister comme jamais elle n'avait existé dans l'acte de chair et en même temps de se difracter, de fondre dans un océan, de plonger dans un  gouffre, de gravir des sommets. Elle ne savait plus vraiment identifier ce qu’elle ressentait. Le plaisir l'engloutissait, la consumait, lui coupait le souffle, lui enlevait toute raison, s'infiltrait dans chaque parcelle de son être. Elle hululait, accompagnant les mouvements de Masami, appelant son sexe encore plus loin en elle, remerciant par des baisers dévorateurs, par sa bouche unie à celle de Yushi, pour le brasier qui montait en elle, palpitante sous la langue de Mashiko, sentant le plaisir l'emporter vers les plus hauts sommets.

Masami ne retenait plus rien, il n'était plus qu'un membre pulsant et vibrant qui s'enfonçait sans relâche dans les reins de la jeune femme. Il la prenait avec force, sentant chaque tremblement de son corps se propager à lui par l'intermédiaire de son membre. Il gémissait, ahanait en s'enfonçant en elle. Il était le sabre et elle était le fourreau dans lequel il ne cessait d'aller et venir. Il sentait le plaisir monter comme une vague sur le point de tout emporter. Il se tendit, se cambrant, pour s'enfoncer au plus loin, pour aller plus loin en elle, pour se fondre en elle. Il sentit son sexe gonfler dans la prison de chair et soudain le feu le traversa. Il était cet antique dragon protecteur de la famille, il crachait le feu en elle, la remplissait des flammes de son plaisir, de son désir. Il répandit les jets de son explosion dans ses reins, ses dents plantées dans l'épaule de s.

reclining_woman_in_bondage_man_rayElle s'arracha à la bouche de Yushi et cria sa jouissance, les fesses arque boutées contre le bas-ventre de Masami, en sentant les flots de sa semence battre ses chairs. Pantelante, le corps pris de tremblements incontrôlés, elle s'effondra doucement contre la poitrine de la belle dame qui cueillit sa bouche haletante pour un très doux baiser tandis que Masami effleurait leurs cheveux entremêlés. Chair frémissante, hébétée et ravie, son ventre pulsant encore de la découverte d’un plaisir insensé, s. se lova sensuellement entre les deux corps tandis que son souffle retrouvait peu à peu une plénitude apaisée.

S sombra dans le sommeil. Toutes les émotions vécues dans cette longue journée l'avaient achevée. Elle glissa dans un sommeil sans rêve, blottie entre les deux corps qui la caressaient doucement sans qu’elle en ait vraiment conscience. Pas plus, elle ne vit Mashiko se lever pour aller quérir une couverture qu'elle étendit sur les trois amants avant de se retirer doucement de la pièce. Lorsqu'elle commença à s'éveiller, tirée du sommeil par les premières lueurs de l'aube, Masami était debout depuis un bon moment. Il s'affairait déjà dans la maisonnée, organisant la journée et distribuant les taches à son personnel. Yushi dormait profondément le visage lové contre le cou de s.

Elle n'osait trop bouger, savourant la présence du corps doux et chaud si près du sien, encore prisonnier du sommeil, attentive à ne pas le perturber. Elle ne voulait pas trop bouger, sentant poindre en elle l'angoisse du jour à venir, la terrible obligation de revenir à sa prison, le poids d'un quotidien dont, tout à coup, lui apparut l'ampleur du dégoût qu'il lui inspirait. Elle gardait les yeux obstinément fermés, s'obligeant à calmer sa respiration, à demeurer dans un état de latence qui était négation de ce qui l'attendait. Elle eut soudain envie de pleurer et un sanglot infime s'échappa de sa gorge.

Le sanglot aussi infime qu'il fut, suffit à réveiller Yushi. Elle fut tirée du sommeil par cet imperceptible mouvement de la poitrine qu'eut s. à ce moment là. Elle comprit immédiatement la cause de sa tristesse, sans dire un mot la main de la jeune femme vint doucement effleurer la joue de s. Elle posa ses lèvres sur celles de sa compagne et l'embrassa avec une infinie douceur. Elle aurait voulu lui dire de rester, de ne plus jamais quitter la demeure des Yoshida, elle aurait aimé lui dire à quel point elle désirait partager une infinité de nuits en sa présence. Mais elle ne dit rien, trop consciente des devoirs que lui imposait le code de l'honneur et du scandale que cela provoquerait dans la bonne société occidentale, tellement en vue aux yeux du jeune empereur. Alors elle se tut, se contentant de serrer fortement le corps de s. contre le sien. Elle enfouit son visage dans son cou pour masquer les larmes qui naissaient aux coins de ses yeux.

s. se serra contre Yushi, pressant son corps contre le sien comme pour y puiser des forces, y calmer sa propre peine0081 et alléger celle de la belle dame. Puis, lentement, elle se dégagea de l'étreinte aimée et plongea son regard dans les yeux humides de Yushi. Elle y lut toute l'intensité d'une empathie sincère et elle en fut bouleversée. Mais cela acheva de la déterminer.

"Dame Yushi, je ne sais si vous et votre époux mesurez l'immensité du cadeau que vous m'avez fait en cette nuit. C'est une vie entière que vous m'avez offerte. Le songe d'une vie. Je vous en remercie infiniment. Mais la vie n'est pas un songe. Il est temps pour moi de me préparer à regagner mon monde. J'emporte avec moi votre cadeau. Il réchauffera ces longues journées sans âme où je ne suis qu'apparence"

Elle s'inclina  avec lenteur, tout en s’écartant de Yushi. C’était un arrachement pourtant irrémédiable.

Dame Yushi inclina la tête doucement et posa un chaste baiser sur les lèvres de s.

"Vous avez raison s, et je garderai, à jamais gravé dans mon cœur, le souvenir de votre présence."

La porte coulissa doucement laissant le passage à Masami. Il était en tenue d'apparat, un riche kimono pourpre brodé de fils d'or. Il regarda un instant les deux femmes qui se faisaient face, les yeux brillants d'éclats humides et inclina la tête en souriant. Lançant quelques phrases, il s'adressa à son épouse dont l'expression du visage passa de la tristesse à la surprise la plus totale. Puis, se tournant vers s., elle lui traduisit.

"Mon mari revient du palais impérial. Il vient de faire part à sa majesté l'empereur de l'existence d'un complot visant à le dépouiller de toute une série d'objets précieux entreposés dans divers temples de la ville. Il semble que quelqu'un soudoie des mendiants pour voler ces biens et leur fasse quitter le pays discrètement, pour les revendre à l'étranger. L'empereur a donné carte blanche à mon mari pour mettre fin à ce scandale et punir comme il se doit le coupable. Il vous propose, avant que vous nous quittiez, d'assister à l'application de la justice impériale. Ainsi vous aurez fait un tour de nos institutions."

s. fixait Yushi, tout en réfléchissant à cette invitation imprévue, puis regarda Masami, à la fois surprise, intéressée et inquiète.

"... Dèkaïmasse ka ?.....(...je peux ?) je ne suis qu'une gaïdjin... je ne voudrais pas troubler l'ordre impérial par ma présence ..."

"Mon mari dit que cela devrait beaucoup vous intéresser, et que vous ne devez surtout pas manquer ce moment."

Masami appela. Immédiatement la voix d'un homme lui répondit. Il y eut une série de pas derrière les fines cloisons, des voix entremêlées. S., affolée, reconnut celle de son mari. Ainsi il était déjà venu pour la chercher et la ramener. Dame Yushi sentit le trouble, presque panique qui s'emparait de la jeune femme. S'avisant que celle-ci était encore nue, elle ramassa les kimonos au sol et enveloppa le corps tremblant dans la soie douce. Elles n'eurent que le temps de fermer leur kimono sur leur nudité avant que Maximilien ne pénètre dans la pièce. Il portait son uniforme de sortie aux galons dorés, la longue épée de cavalerie pendant à sa ceinture. Il lui suffit d'un seul regard pour comprendre ce qui s'était déroulé dans la pièce ; les cheveux ébouriffés de sa femme et de cette catin japonaise à ses côtés ne laissaient pas de doute quant aux activités de la nuit. Il prit sa moue la plus méprisante et, sans même s'adresser à s., parla directement à l'intention de Masami.

gunji008_1_1"Seigneur Masami, je suis fort aise de retrouver mon épouse saine et sauve, et je ne désire pas plus longtemps vous encombrer de sa pesante présence. s., levez-vous et allez chercher vos habits, débarrassez-vous de ce déguisement ridicule ! Nous avons des choses dont il va nous falloir discuter."

s. jetait des regards affolés dans la petite pièce sobre, ne sachant plus où se diriger, où trouver ses vêtements, ni la force de les mettre. Le regard que son époux faisait peser sur elle, chargé de courroux et de mépris, la salissait lui faisant soudain porter le poids d'une culpabilité dont elle ignorait tout l'instant d'avant. Elle baissa la tête pitoyablement, incapable d'un mouvement, désorientée et démunie, serrant son kimono autour d'elle. Elle sentit que les larmes n'étaient plus bien loin. Alors elle releva la tête et le toisa, son menton tremblant pointé vers lui.

"Mon très cher époux - et elle détacha chacun de ces mots avec toute la morgue dont elle était capable- je m'en vais revêtir, pour vous complaire, le déguisement qui sied le mieux à mon statut. Mais ce kimono est cadeau de notre éminent hôte. Je pense qu'il mérite donc de votre part un peu plus de respect. Pour le reste, il faut effectivement que nous parlions. Vous verrez alors comment l'on peut s'instruire en une seule nuit et que femme instruite n'est plus aussi stupidement docile." et frémissante de colère, elle le foudroya d'un regard noir et provocateur.

Maximilien s'avança la main levée, bien décidé à rabattre le caquet de sa femme d'une bonne claque. Ensuite, il aviserait, elle irait passer quelques temps enfermée dans leur demeure du Lubéron, perdue au milieu des marais, cela lui laisserait le temps de réfléchir. Mais, comme il s'avançait vers elle, un des gardes de Masami se mit en travers de son chemin, interposant son sabre entre elle et lui, le menaçant directement. Maximilien se tourna vers le samouraï avec un air indigné.

"Que signifie ceci seigneur Masami ? De quel droit vous interposez-vous."

Yushi ne prit même pas la peine de traduire, Masami fixait Maximilien avec un sourire féroce et lui répondit dans un français à peine teinté d'un petit accent.

"Du droit de celui qui rend justice au nom de l'Empereur. Du droit qu'a le juge sur son prisonnier. Car vous êtesmoona_1_ mon prisonnier capitaine." S. fixait le samouraï avec des yeux écarquillés de surprise.

"Je suis désolé chère s. de vous avoir caché ma connaissance de votre langue, mais mon vieux maître de combat m'a toujours appris que la meilleure façon de percer les secrets des gens est de leur faire croire qu'on ne comprend rien à rien." Puis se tournant vers Maximilien.

"De la même façon que mon émissaire, dépêché hier soir auprès de vous pour vous signifier la présence de votre épouse en ma demeure, parlait parfaitement le français, ce que vous n'avez pas, du haut de votre mépris, pu concevoir un instant. Cela lui a permis de surprendre une conversation fort intéressante entre vous et un marchand de la ville. Petite conversation qui lui a tout apprit sur votre trafic."

Maximilien se décomposait à vue d'œil. Il voulut faire quelques pas en arrière vers la porte, mais trois gardes en barraient l'accès avec des mines patibulaires. Masami tira une feuille de son kimono.

"Voici les aveux du marchand, et voici la procuration de sa majesté me donnant toute latitude pour instruire l'affaire, prononcer la sentence et la faire appliquer. Et la sentence pour votre crime est la mort."

s. observait la scène stupéfaite. Elle roulait des yeux effarés, allant de Masami à Maximilien, se refusant à comprendre ce qui était en train de se jouer, solutionnant peu à peu bien des mystères qui avaient peuplé son quotidien. Ainsi les sorties nocturnes de son époux, si nombreuses, n'étaient pas dues qu'à ses seules maîtresses - qu'elle savait aussi nombreuses que les nuits sans lune - ainsi leur enrichissement ne venait pas de sa nouvelle position, ainsi cet homme l'avait cloîtrée, s'était joué d'elle et de son envie de découvertes tandis qu'il trahissait et son mariage et ses fonctions et... il était condamné à MORT ! Livide et tremblante, elle le fixait sans l'ombre d'un apitoiement

in_my_past_life_by_suzi9mm_2_Maximilien jetait des regards paniqués autour de lui, et soudain, tirant son épée de son fourreau, saisit prestement dame Yushi, qu’il amena à lui en appliquant la lame contre le cou de la jeune femme.

"Laissez-moi passer ou je tranche la gorge de cette garce, je..."

Mais il n'eut pas le temps d'en dire plus. Yushi venait de saisir son poignet, le tordant, lui fit lâcher son épée, et utilisant la force qu'il employait pour la tenir contre lui, elle tira sur son bras, se baissant légèrement, l’entraînant. Avant de se rendre compte de quoi que ce soit, Maximilien se trouva projeté par dessus l'épaule de la jeune femme et atterrit lourdement sur le sol. Dame yushi ramassa son épée et tint la pointe de la lame appuyée contre son cou.

"Chez nous les femmes savent se défendre, je devrais vous ouvrir la gorge pour avoir osé essayer de toucher à dame s. alors qu'elle était sous la protection de mon mari."

Dans les yeux de Yushi, s. constata que la jeune femme était toute prête à le faire, elle allait saigner son mari sur place. Mais la voix de Masami l'arrêta.

" Ne vous salissez pas les mains de son sang mon épouse, cela est mon labeur."

Deux samouraïs se saisirent de Maximilien et, le maintenant fermement, le firent mettre à genoux, le buste penché en avant offrant son cou. Maximilien pleurait, gémissait, implorait la pitié. Masami s'avança tirant son sabre de son fourreau.

"Essayez au moins de vous conduire en homme dans la mort."

Mais Maximilien secouait la tête en tremblant, invoquant la charité chrétienne, promettant de partager sesshibaribi_std bénéfices avec  le samouraï, qui pouvait garder sa femme s'il le voulait. Une tache sombre apparut au niveau de l'entrejambe de l'homme et une forte odeur d'ammoniaque se répandit dans la pièce alors que Masami levait son sabre au-dessus de sa tête, le tenant à deux mains. Maximilien cria alors que la lame s'abattait comme l'éclair. Le métal aussi tranchant que le fil d'un rasoir passa à quelques millimètres de son visage et alla se planter dans le tatami devant lui.

"Je ne vais pas souiller la lame de ce vénérable Katana du sang d'un pleutre. Vous allez partir capitaine, un bateau quitte le Japon ce midi en direction de l'Europe, vous allez le prendre et retourner dans votre pays. Inutile de prendre quoi que ce soit, tous vos biens ont été confisqués au profit de dame s. qui reste sous la protection du clan Yoshida tant qu'elle le désirera."

Les deux samouraïs saisirent Maximilien et l'emportèrent gémissant et sanglotant vers la sortie. Masami s'assit sur le tatami en tailleur déposant son sabre auprès de lui.

"Bien, avec toutes ces choses à régler je n'ai pas eu le temps de prendre un repas depuis mon réveil. Que diriez-vous de prendre un petit repas mesdames ?"

Sonnée par les évènements, s. se laissa tomber sur le tatami auprès de lui, repliant ses jambes tremblantes sous elle. Timidement, très doucement, elle lui effleura la main et quêta le regard de Dame Yushi. Celle-ci la regardait tendrement.

samurai_20dragon"Hone-tïoni arigato Masami. Vous m'avez rendu ma vie. Et je vous la confie à vous et à votre douce épouse. Je ne peux espérer meilleure protection que celle du  Dragon et de sa blanche compagne.... et j'a une faim de louve !" acheva-t-elle en laissant éclater un rire cristallin.

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Commentaires
E
voyager loin ménage sa monture ... et ne se jette pas dans les orties (même si ce peut être délicieux ... oups !)... je souhaite que tes tribulations soient plus apaisées... et surtout plus heureuses et que tu trouves, toi aussi, ton soleil levant !
B
"Elle se prit à espérer qu'il savait où la conduire. Elle se prit à espérer que le trajet durerait."<br /> C'est ce que j'espérais aussi !<br /> Bien fait d'attendre et de me régaler à votre lecture...<br /> Vous savez quoi ?<br /> Vous m'avez donné envie d'aller faire un tour...<br /> (Pour le Japon, ça attendra encore un peu).<br /> Bises à vous deux.
C
Encore une fois bravo. Un bravo comme les rappels, dans une salle craquante sous les applaudissements, lorsque le rideau se ferme et qu'on reste là, entre terre et ciel à vouloir encore rêver, encore se perdre. <br /> Bravo !
D
Merci pour ce beau texte sensuel. Il me fait vibrer encore et me fait découvrir un aspect de la sensualité et de la sexualité.<br /> <br /> Lire ce texte me fait sentir libre...<br /> <br /> Davlufo
C
Une histoire nippone très sensuelle. Le vocabulaire comme les coutumes sont très bien décrites. Bravo.
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