31. De Mal en pis, tant pis
Elle assista au cours suivant sans
vraiment y prendre garde, bien que les explications de Monsieur Villaret sur la
vie dissolue de plusieurs auteurs célèbres apportait un éclairage des plus
intéressant sur leur oeuvre. La journée se passa ainsi, laissant place au jeudi
qui s'agrémenta du cours quotidien de sport, de cours d'histoires, de
libertinage. Les cours de Malthazar avaient été remplacés par des séances de
méditations et de repos, des cours de maquillage et de stretching. Des séances
de lectures surveillées aussi. Visiblement Malthazar était tout entier prit par
la préparation de la soirée du samedi. Le vendredi enfin était arrivée et les
pensionnaires rejoignaient leurs chambres pour se préparer au dîner, lorsqu'une
surveillante saisit Sofia par le bras. C'était une brune au regard sévère qui
ne se montrait que très peu loquace et que la pensionnaire n'avait jamais
qu'entraperçut. "Ceci est pour toi." Et elle lui tendit un petit plis
et s'éloigna rapidement. Sofia, s'enfermant aux toilettes, déchira l'enveloppe
qui contenait un petit carton.
"Ce soir. La surveillante est payée,
si tu veux me rejoindre, obéis-lui, glisse-toi par les cuisines, une voiture
t'attendra pour te mener à moi ma salope.
Ton maitre S."
Elle faillit déchirer le carton et le jeter dans la cuvette. Mais suspendit son geste. Elle se sentait mal et dut s'accorcher aux murs pour ne pas tomber, froissant nerveusement le carton entre ses doigts. La nausée lui broyait l'estomac. Et en même temps, dans le creux de son ventre, une morsure brûlante s'amplifia, augmentant son dégoût. Elle sortit des toilettes en titubant, glissa le carton dans la poche de sa jupe et se passa de l'eau froide sur les poignets et sur le visage. Dans le miroir, elle observa son visage. Elle était pâle mais ses joues étaient marbrées de rouge, son front était moite et ses pupilles, agrandies et sombres, brillaient d'un éclat fiévreux. Elle se mordit les lèvres sans quitter son reflet des yeux et lança à son reflet entre ses dents :
"Tu vas y
aller. Tu vas y aller car tu es une salope masochiste qui en crève d'envie
!".
Elle ferma les yeux,
cramponnée à l'évier. Relevant la tête, elle se regarda une dernière fois, se
retourna brusquement et sortit pour rejoindre ses camarades. Elle savait
qu'elle ne ferait plus demi tour maintenant.
Elle regagna sa chambre en silence, se rendant aux douches où elle resta un
long moment laissant l'eau dissoudre ses pensées. Alors qu'elle se retournait,
elle vit la surveillante brune qui la fixait l'oeil brillant un petit paquet à
la main.
"Ton maitre m'a donné ceci pour toi, de la crème pour t'épiler et des
onguents pour que tu aies la peau douce."
Elle déposa le petit paquet sur le lavabo et se posta à la porte des
douches.
"Tu peux y aller je
surveille, personne ne viendra te déranger."
Debout contre le chambranle de la porte, elle l'observait avec un air
interessé. Sofia s'avanca vers le petit paquet et en retira un pot de crême
dépilatoire et un onguent parfumé. Le paquet contenait aussi un petit objet
brillant. Un rosebud orné d'une pierre rouge. La surveillante détaillait le
moidre de ses gestes avec un sourire sarcastique. Elle lui lança d'une voix
douceureuse
« Ton maitre a aussi
prévu un petit bijoux décoratif pour toi ,comme tu peux le voir. Il veut que tu le portes
jusqu'à ce que tu viennes le retrouver pour te rappeler à chaque instant à quel point tu peux être une salope."
Sofia eut un petit sourire en coin, une moue
un peu amère et contempla pensivement l'objet qu'elle tenait dans le plat de sa
paume. Elle était une salope, cette évidence lui vrillait le ventre, lui
broyait le plexus, lui coupait le souffle. Une salope qui irait jusqu'au bout.
Le visage de Vlad traversa ses pensées. Elle le chassa en secouant la tête et
se concentra sur ses préparatifs. Elle serait parfaite, conforme en tous
points à ses attentes. Oui parfaite... comme une offrande sacrificielle. Mais
elle était sa propre victime et son bourreau cette fois. Elle choisissait seule
cette voie, la plus dure, la plus absolue, la seule qui lui permettrait de
savoir jusqu'où allait sa folie. Elle se rendit compte que ses jambes
tremblaient. Elle régla la douche sur un grand jet glacé qui la remit d'aplomb
puis positionna le mitigeur sur une température agréable pour parfaire sa
toilette. Lorsqu'elle eut fini de se sécher, elle s'enduisit méticuleusement de
l'onguent délicatement parfumé, passant ses doigts sur son sexe presque glabre,
et se saisissant du rosebud, les mains encore couvertes de la substance, se
pencha en avant pour le mettre en place sous l'oeil égrillard de la
surveillante.
"C'est que
ca a l'air de te plaire petite garce de t'apprêter pour ton Maitre. Allez,
finis de t'habiller et file dans ta chambre, je viendrais te chercher."
La surveillante
récupera son petit paquet avant de s'éloigner dans le couloir, la laissant
achever de se préparer toute seule. Elle se rhabilla rapidement et retourna
dans la chambre d'un pas vif, sentant la pression du bijou dans le creux de ses
reins à chaque pas. Elle ne participa pas aux babillages amusés de ses
compagnes de chambre et attendit l'heure de l'extinction des feux, la gorge
nouée d'appréhension, le coeur palpitant. Couchée dans son lit, elle écoutait
le souffle de ses deux amies devenir plus lent, plus profond, s'apaiser. En
elle rien de son tumulte ne trouvait un instant de répit. Elles dormaient à
présent alors qu'elle, les yeux grands ouverts, guettait chaque bruit dans le
couloir. Finalement elle perçut des pas feutrés et entendit la porte s'ouvrir
doucement. Se relevant sans bruit, le coeur battant, elle fit face à la
surveillante et s'emparant de sa tenue de pensionnaire, elle la suivit dans le
couloir. La surveillante lui fit signe de laisser son linge là et de la suivre.
C'est uniquement revêtue de sa chemise de nuit qu'elle lui emboita le pas
jusqu'à la chambre des surveillantes. La grande brune lui tendit un paquet.
"Mets cela."
Elle saisit le colis qui contenait une culotte de latex
fendue ainsi qu'un soutien gorge qui laissait ses seins apparents, une paire de
bas et d'escarpins a talons hauts, le tout noir. Elle enfila sa tenue sous le
regard impitoyable de la surveillante. Lorsqu'elle fut prête celle-ci la
couvrit d'une cape noire, attrapant au passage ses deux seins et les tordant.
"Hmmm
superbe petite salope, on va bien s'amuser ce soir."
Puis
l'entrainant dans les couloirs elle la fit sortir par la porte des cuisines.
Une mercedes les attendait, garée contre le mur de la propriété, la portiere
arrière ouverte.
"Le règlement de ces lieux est
strict Mademoiselle Sofia, et il vaut pour tout le monde."
Elles s'immobilisèrent,
effarées, alors qu'un des deux gardes, échangeant quelques mots avec le
chauffeur de la mercedes, lui faisait comprendre qu'il pouvait retourner d'où
il venait. La mercedes disparut rapidement dans l'allée. Malthazar ne cessait
de les fixer elle et la surveillante de son regard d'acier. Il réitéra
sentencieusement :
"Le
règlement vaut pour tout le monde, il n'y a pas d'exception, les sorties ne peuvent être autorisées que par
Monsieur, même s'il s'agit de rejoindre son Maître."
Il fit quelques pas et leur désigna la porte
du bâtiment. Sans un mot, elles se dirigèrent vers l'issue entrouverte, serrées
de près par leur escorte. C'est dans un silence glacial qu'elles pénétrèrent
dans le grand hall du Pensionnat et furent dirigées vers le comité d'accueil,
Monsieur et une grande femme rousse inconnue, vêtue de noir. Elle les observait
avec un regard glacé qui semblait avoir le don de figer sur place tous ceux qui
osaient l'affronter. Elle était grande, vraiment, d'une taille bien supérieure
à la moyenne, et le fait qu'elle soit perchée sur des talons démesurés lui
donnait une allure quasi irréelle. Son tailleur noir soulignait parfaitement
des formes sculpturales et ses longs cheveux noirs de jais, impeccablement
brossés, tombaient dans son dos jusqu'à sa chute de reins en miroitant. Mais ce
qui captivait irrémédiablement, c'était son regard, ses yeux verts
scintillants, qui ne scillaient pas, et semblaient braqués sur elle Sofia et la
surveillantes comme des armes menaçantes. Se trouver face à eux, c'était comme
se retrouver hypnotisé par le canon d'un revolver. Ce fut la voix glaciale de
Monsieur qui interrompit cet instant quasi hypnotique.
"Mademoiselle Charline vous allez
me suivre dans mon bureau pour recevoir votre lettre
de remerciement et le solde de ce que nous vous devons. Vous aurez quitté les lieux avant demain matin"
La surveillante baissa la tête et n'osa pas un mot.
"Quant à vous Sofia, vous allez
passer la nuit en cellule, ainsi je suis certain que vous ne tenterez plus de partir vous promener."
Sofia
tressaillit, s'arrachant à la fascination de l'inconnue et baissa les yeux,
incapable de soutenir plus longtemps la tension de tous les regards
réprobateurs qui la fixaient. En elle le disputait un mélange de honte, de
soulagement et de crainte. Honte d'avoir été prise dans la transgression des
règles du Pensionnat pour une sortie qu'elle savait infamante, soulagement d'en
avoir réchapper et crainte de ce qui l'attendait en cellule. Elle se contenta
de hocher doucement la tête et aquiesça
d'une voix atone.
"Bien Monsieur."
Il n'y avait
en elle aucun désir de justification, aucune vélléité de rébellion. La sentence
tombait juste, laconique, comme son acceptation. Elle attendait qu'on
l'emmenât. Et de se retrouver seule avec elle-même pour goûter l'amère saveur
et la profondeur de son sentiment de culpabilité.
Saint-Clar hocha la tête et sans un
mot s'èloigna vers l'escalier qui menait au bureau suivi par la surveillante.
Sofia eut la sensation qu'il l'abandonnait là, couverte de son seul mépris et
elle sursauta quand Malthazar, s'avançant vers elle et se tournant vers la
grande rousse, annonça.
"Vénus ma
belle, tu vas t'occuper de Sofia et la mener à sa cellule."
Les yeux de la
rousse perdirent immédiatement leur éclat glacé pour se charger d'une immense
tendresse alors qu'ils se posaient sur Malthazar.
"Oui mon
Maître...Ce sera fait. Et après cela, pourrais-je vous rejoindre ?"
Malthazar lui sourit.
"Bien sûr...
tout travail bien fait mérite sa récompense"
La rousse
baissa un instant la tête en souriant doucement puis reporta son attention sur
Sofia. Aussitôt ses yeux reprirent leur dangereux éclat. D'un bref signe de tête, elle lui fit
comprendre de la suivre et avança en longues enjambées sensuelles dans les
couloirs, dirigeant inexorablement Sofia vers les cellules. Malgré ses
craintes, Sofia ne pouvait s'empêcher d'admirer la démarche légère et souple de
la jeune femme qui s'éloignait et devait accélérer le pas pour la suivre. Cette
superbe inconnue, si fascinante et troublante, piquait sa curiosité ; n'y
tenant plus et oubliant ses ennuis et toute réserve, en courant presque
derrière elle, essoufflée, maladroitement, elle finit par demander :
"Excusez moi, je sais que.... je
ne devrais pas mais... êtes-vous la soumise de Malthazar
? Parce que, ...enfin, vous... vous... ne portez pas de collier"
Vénus, sans pour autant s'arrêter, tourna la
tête vers elle avec un sourire qui n'avait rien de chaleureux.
"Si je suis sa soumise ? Oui,
mais je suis aussi sa femme et je n'ai pas besoin de ou de déguisement. Je suis
sienne, comme il est mien."
Sofia baissa la
tête, submergée par la honte, anéantie par le regard sans concession. Elles
arrivaient déjà en bas de l'escalier des cellules, passant sans s'arrêter
devant la surveillante de faction dans le couloir. S'immobilisant devant une cellule ouverte,
Vénus lui désigna la petite prison d'un index implacable.
"Votre chambre est préparée,
veuillez prendre place."
La grande
rousse la guida jusqu'àu lit et lui passa deux sangles de cuir autour des
poignets.
"Voyez-vous Sofia, passer la nuit
dans cette cellule doit être un soulagement pour vous, mais... ce devrait être une punition."
Elle prit ses
poignets liés et, les soulevant, les attacha fermemement aux barreaux du lit,
l'allongeant sur le dos. Puis, saisissant un baillon boule, elle la réduisit au
silence. "Voila qui est un
peu mieux, n'est-ce pas ?"
Et se
redressant, la grande femme rousse défit les boutons de sa veste de tailleur et
la fit tomber au sol.